L’exploitation forestière industrielle est l’une des principales causes directes de la perte de la diversité biologique des forêts. Nombre d’organisations et de gouvernements se sont centrés sur l’exploitation illégale, mais peu d’entre eux ont étudié l’exploitation légale destructrice (voir le bulletin nº 98 du WRM). À cet égard, un rapport récemment paru “Legal Forest Destruction. The Wide Gap Between Legality and Sustainability” (La destruction légale des forêts. Le profond écart entre la légalité et la durabilité) apporte une vision plus large du problème en se penchant sur le commerce de bois des Pays-Bas, son souci de légalité et les effets sur les forêts de l’exploitation légale.
« La légalité est souvent présentée comme un premier pas nécessaire vers la durabilité », dit le rapport. Il attaque ensuite cette idée, en présentant les effets sociaux et écologiques négatifs de l’exploitation forestière légale, qui se traduit par une « destruction légale des forêts », définie comme « la récolte de bois et/ou d’autres produits forestiers qui, tout en respectant la législation nationale, est préjudiciable à l’économie, la société et/ou l’environnement ». « Il faut associer la légalité et la durabilité », conclut le rapport.
Le cas du Cameroun est l’un des dix exemples de destruction légale des forêts présentés dans cette étude. Dans la forêt de la province camerounaise du Sud-Ouest, riche en azobés (Lophira alata), la société forestière nationale CAFECO a un permis pour l’exploitation de 2 500 hectares pendant une période maximum de trois ans. Il s’agit d’une « vente de coupe » (VC), qui peut être renouvelée pour deux périodes consécutives d’un an sans avoir besoin de présenter un plan de gestion approprié. De ce fait, le système des VC ressemble à une opération minière, où l’entreprise forestière ne se sent pas – et n’est pas – responsable à long terme de la zone, et l’exploite par conséquent de façon non durable.
Le Centre pour l’environnement et le développement (CED) a fait des enquêtes sur le terrain en mars 2005 et trouvé que les opérations de coupe dans la VC 11-06-18 étaient fortement perturbatrices du point de vue social et écologique et manifestement non durables. Les arbres y sont abattus et abandonnés sur place, certains d’entre eux sur des pentes raides, d’où il est difficile et même dangereux de les retirer. En général, entre 18 et 20 pour cent des arbres abattus sont abandonnés. Sans être forcément illégale, cette pratique contribue à l’épuisement de la forêt, donc à l’altération des fonctions de l’écosystème.
De surcroît, de grandes pistes et des parcs à bois temporaires sont construits sans planification dans la forêt, augmentant sa fragmentation et sa destruction. La construction de pistes sur les pentes et l’utilisation de lourds bulldozers augmente l’érosion du sol et la pollution des sources, rendant l’eau impropre à la consommation par les gens de la zone.
Les villages de la région environnante (Dipemda, Koba, Ibemi et Mosanja) dépendent fortement de la forêt et de ses ressources pour leur subsistance. De nombreuses essences à utilité sociale et culturelle, telles que le djabé ou moabi (Baillonella toxisperma), le djanssang (Ricinodendront heudolitii) et le manguier sauvage (Irvingia gabonensis), ont été détruites par CAFECO. Les villageois utilisent ces arbres à des fins alimentaires et médicales. D’autre part, les routes ont détruit leurs fermes. Quinze agriculteurs du village de Koba ont dénoncé la destruction de leur propriété et, en particulier, celle des plantes de cacao (la principale culture de rente des populations locales) pendant la construction des routes.
Les recherches menées dans la zone ont révélé que les opérations forestières dans la VC 11-06-18 contribuent à l’appauvrissement des communautés locales, à la destruction de leurs moyens de vie et à la dégradation écologique des forêts tropicales. Et le fait que cette exploitation soit légale ne fait qu’aggraver les choses.
La version complète du rapport “Legal Forest Destruction. The Wide Gap Between Legality and Sustainability” est disponible à l’adresse : http://www.greenpeace.nl/raw/content/reports/legal-forest-destruction.pdf.