En 1994, un groupe de personnes de diverses ONG – dont le coordinateur actuel du WRM – avaient été invitées par les Masaï à visiter la forêt qu’ils essayaient de sauver du ‘développement’ du tourisme. Pour apporter à leur lutte le soutien international, un article avait été rédigé et diffusé en novembre de cette année-là dans le magazine du Réseau du Tiers Monde, Resurgence (disponible sur : http://nativenet.uthscsa.edu/archive/nl/9412/0140.html ). La lutte continue encore, mais un nouvel acteur est apparu sur scène : l’UICN. Ce qui suit est une description détaillée de la situation actuelle et du sentiment de la population à cet égard.
La forêt Naimina Enkiyio, une des rares forêts indigènes qui restent au Kenya, est située à Loita, dans le Sud du pays, à environ 300 kilomètres au sud-ouest de la capitale du pays, Nairobi. Cet écosystème forestier est sacré pour les quelque 40 000 Masaï des clans de Purko et Loita, car il s’agit d’une ressource naturelle importante qu’ils ont depuis toujours utilisée. Les bergers de Loita pensent que la forêt est vivante et qu’elle répond de beaucoup de manières à leurs besoins physiques, spirituels et culturels. Elle est une zone de pâturage importante à la saison sèche, la source de nombreux fleuves et le foyer d’une faune et d’une flore abondantes et variées incluant aussi bien des éléphants que des espèces rares d’oiseaux et de plantes. Quelques arbres déterminés sont considérés comme sacrés. Parmi les nombreux produits forestiers de grande valeur figurent ceux qui dépendent directement des arbres (médicaments, fruits comestibles, graines, miel, bâtons) et d’autres tels que l’eau, l’herbe pour le bétail et des plantes diverses. Les Masaï se sentent responsables de la forêt et obligés de l’utiliser de façon durable.
Or, un plan de l’Union mondiale pour la conservation de la nature (UICN) risque maintenant de provoquer le déplacement des Masaï de la forêt Naimina Enkiyio. Ce n’est pas la première fois que les projets de l’UICN leur font quitter leur territoire traditionnel : en 1980, un projet semblable mis en oeuvre à Ngorongoro les a forcés à quitter la région pour l’établissement d’un parc national.
« [Les Britanniques] nous ont sortis de Nairobi et de Nakuru [au début des années 1900], mais nous allons nous battre contre les tentatives actuelles de nous faire quitter Naimina Enkiyio », a déclaré avec colère un ancien de Loita lors d’une manifestation organisée le 7 juin, où un millier de Masaï se sont réunis pour résister contre ce qu’ils voient comme une appropriation des 33 000 hectares de forêt qu’ils gèrent dans le district de Narok. D’après les rapports adressés au Centre pour le développement des droits des minorités (CEMIRIDE), la police aurait tiré sur la foule des manifestants et blessé un certain nombre de Masaï, provoquant des réactions violentes.
Si elle appuyait cette appropriation, l’administration de la région de Narok serait en contradiction avec sa déclaration d’octobre 2002, qui accorde aux Masaï de Loita et de Purko le droit de conserver, protéger, contrôler, préserver et posséder la forêt Naimina Enkiyio. Or, l’avenir de cette forêt fait l’objet de débats depuis que le Conseil régional de Narok a essayé, en 1995, de réserver la zone au tourisme. Malgré l’opposition légale des Masaï de Loita, l’affaire n’a pas encore été résolue.
Le représentant régional de l’UICN, Eldad Tukahirwa, dit que l’objectif du projet est de rendre les Masaï moins dépendants des forêts, en élargissant leurs moyens de vie et « en leur faisant prendre conscience de la valeur de la forêt ». Tukahirwa a dit aussi que le projet proposé était fondé sur « une année et demie de discussions avec la communauté ».
Pourtant, les opposants du plan affirment que les consultations n’ont pas été appropriées. Tandis que les parties prenantes favorables à l’UICN sont bien représentées dans l’organe de gestion de la forêt que l’on propose, les organisations de soutien de Loita et Purko, «Loita Concerned Residents» et «Forest Morans» ont été laissées dehors. Ils affirment que le Conseil régional de Narok appuie le projet de l’UICN à cause des 2,6 millions de dollars dont il bénéficie.
Quant à l’intention de l’UICN d’apporter son appui technique à une équipe de gestion désignée par les communautés de Loita et Purko et par l’UICN, Vincent Ole Ntekerei, porte-parole de Forest Morans et de Loita Concerned Citizens, a déclaré : « Naimina Enkiyio est une des rares forêts non classées qui restent au Kenya, et elle a été gérée par les seuls Masaï pendant des siècles ; l’UICN n’a donc rien à nous apprendre ».
La résistance des Masaï a peut-être été fructueuse. Le secrétaire permanent du Bureau du Président chargé de l’Administration provinciale, M. Dave Mwangi, a ordonné à M. John Egesa, conseiller régional de Narok, de stopper le projet en attendant que l’on traite des plaintes de la population Masaï. On verra bien à quoi cela aboutit.
Article fondé sur des informations tirées de : «Loita and Purko Maasai resist IUCN plans for the Naimina Enkiyio Forest», Michael Ole Tiampati, envoyé par Cultural Survival Weekly Indigenous News, 25 juin 2004, adresse électronique : news@cs.org ; «Kenya: Contentious Forest Plan Halted», East African Standard, 25 juin 2004, Forests.org, http://forests.org/articles/reader.asp?linkid=33023 ; «Loita project of integrated forest conservation and management (preparatory phase)», http://www.unesco.org/most/bpik9.htm