Les sociétés forestières, les groupes rebelles, les réseaux du crime, plusieurs gouvernements provisoires et le régime de l’ancien président Charles Taylor ont conspiré depuis 1990 pour piller les ressources naturelles du Liberia. Durant cette période, le secteur forestier a été témoin d’une pléthore d’activités illégales. Les sociétés d’exploitation forestière opéraient dans les territoires aux mains des rebelles sans contrôle aucun du Service de développement forestier, et les recettes générées n’ont jamais bénéficié la population du pays. Après son élection, l’ancien président Charles Taylor s’était mis à récompenser ses alliés, ses bailleurs de fonds et ses associés en leur accordant des concessions forestières sans respecter les procédures établies par la législation libérienne. Il a été vérifié que la plupart des sociétés forestières en activité dans la période en question n’avaient pas eu leurs concessions légalement ratifiées. D’autre part, plusieurs panels d’experts des Nations unies ont conclu que les recettes du secteur étaient destinées à fournir des appuis militaires à des organisations armées du pays et de l’extérieur, et à d’autres activités illégales, au détriment de la vaste majorité des Libériens.
En 2003, les Nations unies ont imposé des sanctions à l’importation de bois libérien, pour des raisons diverses : l’utilisation des revenus du bois pour le soutien militaire des groupes armés au Liberia et à l’étranger, qui déstabilisait le pays et étendait le conflit armé aux pays voisins de la région Ouest-africaine ; l’absence d’un système de contrôle destiné à enrayer la forte incidence des dépenses extrabudgétaires ; la corruption politique et le détournement par le gouvernement Taylor des revenus du secteur vers des activités illégitimes ; le manque de bonne gouvernance, de transparence et de respect des normes légales dans ce domaine. L’embargo est entré en vigueur le 7 juillet 2003.
En novembre 2003, le Conseil de Sécurité des Nations unies a établi l’obligation pour le Gouvernement national de transition du Liberia (en anglais NTGL) de réformer l’industrie du bois pour que la sanction puisse être levée.
Pour faciliter la participation et la contribution de la société civile à ce processus, l’Institut du développement durable, sous le patronage de la Coalition d’organisations non gouvernementales du Liberia, a organisé le 8 avril 2004 un atelier de travail pour l’élaboration d’un projet de la société civile énumérant les problèmes fondamentaux auxquels la réforme doit s’attaquer et développant des recommandations sur la manière de le faire.
Un avant-projet a été rédigé lors de l’atelier mentionné, sous le titre : « Augmenter la transparence et promouvoir la participation du public pour améliorer l’application de la loi forestière et la gouvernance ». Il a été publié deux jours consécutifs dans un des principaux quotidiens libériens, invitant le public à fournir des commentaires et des contributions. Une fois révisés ces commentaires et suggestions, le Groupe de travail de la société civile sur la réforme du secteur forestier a donné au projet sa formulation définitive le 21 avril 2004.
Ce document, qui souligne le besoin de transparence et de responsabilisation, la participation publique et l’équité dans le partage des risques et des bénéfices, affirme que les améliorations dans ces domaines devraient constituer le fondement de toute action destinée à résoudre les problèmes du secteur forestier.
Les problèmes identifiés par les participants dans l’application de la législation forestière et la gouvernance au Liberia sont le manque de transparence et de responsabilité, l’accès limité du public à l’information concernant les opérations des concessionnaires, et la manière générale dont le secteur est géré par le Service libérien de Développement forestier (en anglais FDA). Les participants de l’atelier ont regretté la centralisation des structures de gestion forestière, qui excluent la société civile et en particulier les communautés tributaires des forêts. Du fait de cette exclusion, la participation du public à la prise de décisions portant sur les forêts et sur la gestion de leurs ressources a été insuffisante. Ils ont affirmé que cette situation était le résultat de l’absence, dans les normes du FDA et dans les accords de concession typiques, de dispositions destinées à assurer une supervision indépendante de la chaîne d’opérations du secteur forestier par la société civile libérienne et en particulier par les organisations non gouvernementales locales et les communautés forestières. Cette supervision permettrait de renforcer l’application des lois nationales forestières et d’appuyer les efforts du gouvernement.
L’interférence politique et les conflits d’intérêts, l’incapacité ou la capacité insuffisante du FDA et de la société civile à faire respecter la législation forestière et la gouvernance ont été également identifiées comme des problèmes clés du secteur. En regardant le passé, les participants ont déploré que des concessions et d’autres droits d’exploitation forestière aient été accordés à des sociétés et à des individus au cours de la période des conflits, car cela a ouvert la voie à l’abattage illégal et sans contrôle et à la militarisation du secteur du bois de 1990 à nos jours.
Pour lutter contre cette situation, le projet exhorte le Gouvernement national transitoire du Liberia à adopter les recommandations comme objectifs mesurables de la réforme, et à faire tout le nécessaire pour les mettre en oeuvre sans délai. Ces recommandations incluent la vérification immédiate des comptes du secteur et la mise en place de mécanismes destinés à éviter le détournement des recettes à des fins illégales ; l’amendement des termes de l’accord de concession actuel, de manière à y inclure la supervision indépendante des opérations forestières, en particulier par des ONG locales et des résidents des forêts, de manière à renforcer et améliorer l’application de la législation forestière nationale et les efforts de gouvernance ; la diffusion de l’information relative à toute la chaîne d’opérations de l’industrie du bois ; la divulgation de tous les accords de concession, y compris les cartes et les plans de gestion et de coupe annuelle, etc., qui doivent être du domaine public. La proposition de la société civile demande aussi d’inclure dans les accords de concession de nouvelles dispositions exigeant que les sociétés forestières déclarent publiquement toutes les sommes payées au gouvernement, y compris les impôts, les redevances et les amendes. Ces dispositions doivent exiger également que les concessionnaires mettent à la disposition du public toute information concernant la production, le traitement, l’exportation, etc., pour contribuer à baisser le fort niveau de corruption du secteur.
Extrait et adapté de : «Increasing Transparency and Promoting Public Participation to Enhance Forest Law Enforcement and Governance», document élaboré par l’Atelier de planification de la société civile et terminé par le Groupe de travail sur la réforme du secteur forestier. Envoyé par Silas Kpanan’ Ayoung Siakor, Directeur, Institut du développement durable, adresse électronique : director@sdiliberia.org (adresse alternative : sdi_liberia@yahoo.com ).