Le droit à l’eau

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Le 28 juillet, l’Assemblée générale des Nations unies a déclaré que le droit à l’eau et à l’assainissement est indispensable pour profiter pleinement de la vie et pour la réalisation des autres droits de humains.

Il n’est pas surprenant que cette résolution ait été adoptée ; ce qui l’est, est que jusqu’à présent l’accès à l’eau potable N’AIT PAS ÉTÉ reconnu comme l’un des droits les plus élémentaires de tout être humain !

Cela dit, nous nous réjouissons, bien entendu, de cette déclaration que nous considérons comme un pas important vers la solution du problème auquel sont confrontés les presque 900 millions d’habitants du monde qui n’ont pas d’eau potable, et les nombreux autres qui se retrouveront dans la même situation dans un proche avenir.

Nous nous réjouissons aussi du fait que la résolution demande aux États et aux organisations internationales de prendre toutes les mesures possibles pour approvisionner tout le monde en eau potable, salubre, accessible et abordable.

La troisième raison de se féliciter de cette déclaration est qu’elle ouvre la voie à un débat très nécessaire sur une série de questions cruciales, qui vont de la propriété de l’eau à des mesures pour faire en sorte que l’eau reste saine, propre, accessible et abordable.

En ce qui concerne la propriété de l’eau, l’aspect le plus évident semble être l’incompatibilité entre l’eau en tant que droit humain élémentaire et son appropriation par des entreprises privées à but lucratif. Pour la plupart des personnes, il faut lutter contre la privatisation de l’eau potable et pour qu’elle redevienne ou reste gérée par des entreprises étatiques.

Bien que nous soyons d’accord avec ce qui précède, nous aimerions parler d’autres formes moins visibles d’appropriation, qui sont associées à plusieurs de nos domaines de travail.

La première concerne le rôle fondamental que jouent les forêts dans le maintien du cycle de l’eau. Quand de grandes étendues de forêt sont détruites pour en exploiter industriellement le bois ou pour les remplacer par des cultures ou de l’élevage à grande échelle, tout le régime hydrique en subit les effets, qui vont du changement de la pluviosité à l’envasement des cours d’eau, et cela aboutit à la diminution de la quantité et de la qualité de l’eau disponible. La destruction des forêts peut donc être considérée, elle aussi, comme une forme d’appropriation de l’eau, au moyen de sa destruction.

Une autre forme cachée d’appropriation de l’eau est celle des activités qui en polluent les ressources hydriques, comme l’exploitation pétrolière, minière, et l’agriculture industrielle. Les produits chimiques qu’elles emploient ou libèrent privent les populations locales de l’eau potable dont elles disposaient jusque là. Pour elles, ces pollueurs se sont approprié leur eau.

Une forme plus directe d’appropriation est celle des grandes plantations d’arbres à croissance rapide, qui consomment des milliers de litres d’eau par jour, aux dépens des besoins des usagers de la zone et de la région en aval.

Ces quelques exemples montrent que, pour redoubler d’efforts pour que l’eau soit saine, propre, accessible et abordable, il ne suffit pas de prévoir des ressources financières, le renforcement des capacités et le transfert de technologie grâce à l’assistance et la coopération internationales  (comme dit l’article 2 de la résolution de l’ONU). Si ces mesures sont nécessaires, elles ne sont pas suffisantes.

À la longue, le plus important est de lutter contre les causes de la diminution et la pollution de l’eau, et d’accorder la priorité à la conservation de l’eau – en quantité et en qualité – dans tous les investissements économiques. Cela implique de ne plus considérer comme acceptable une quelconque activité qui diminue ou qui pollue les réserves d’eau.

Maintenant que le droit à l’eau potable a finalement été reconnu comme un droit essentiel à l’épanouissement de la vie et à la réalisation de tous les autres droits humains, les citoyens ont le droit, et les gouvernements l’obligation, de faire en sorte que cela soit vrai.

(1)  Cette résolution a été prise avec 122 voix pour, zéro voix contre et 41 abstentions. Les pays qui se sont abstenus sont : Arménie, Australie, Autriche, Bosnie et Herzégovine, Botswana, Bulgarie, Canada, Croatie, Chypre, Danemark, Estonie, États-Unis, Éthiopie, Grèce, Guyana, Islande, Irlande, Israël, Japon, Kazakhstan, Kenya, Lettonie, Lesotho, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Nouvelle-Zélande, Pologne, République de Corée, République de Moldavie, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Suède, Trinidad et Tobago, Turquie, Ukraine, Royaume-Uni, Tanzanie, Zambie