Mettre fin au déboisement au moyen de mesures socialement justes et non fondées sur le marché

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Résumé

Les forêts du monde sont menacées de beaucoup de manières. Les parties à la CDB doivent prendre des mesures immédiates et sérieuses contre le déboisement, en s’attaquant à ses causes profondes et en respectant les droits des peuples autochtones. Les parties ne doivent pas accepter aveuglément les termes du système REDD (réduction des émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts) fondé sur le marché, et doivent adopter une définition de forêt qui coïncide avec les principes et les objectifs de la CDB.

Qu’est-ce qui est en jeu ?

Le déboisement et le changement climatique

Les forêts du monde sont des écosystèmes d’une importance décisive pour les peuples qui en sont tributaires mais aussi pour la régulation des pluies et du climat et, bien entendu, pour la diversité biologique. Pourtant, elles sont en train de disparaître. Le déboisement est surtout provoqué par la production (souvent) subventionnée de matières premières, à quoi s’ajoute le problème de la demande croissante d’agrocarburants, de biocarburants et de viande, entre autres choses.

Les forêts riches en diversité biologique ont subi des agressions continuelles de la part des gouvernements et des grandes entreprises ; cela a comporté le déplacement systématique des peuples qui les habitaient, au profit de la gestion forestière prétendument durable, des zones protégées et de l’habitat de la faune et la flore en danger. En plus, la crise climatique représente un danger toujours plus grave pour les forêts du monde. À moins de l’enrayer, de grands changements auront lieu dans les écosystèmes forestiers et dans leur diversité biologique, avec d’énormes conséquences négatives pour les communautés locales, dont la destruction de leurs moyens d’existence et de brusques bouleversements sociaux. Les effets de la diminution de la diversité biologique et de la régulation climatique qui dépendent des forêts toucheraient toute la population du monde et s’ajouteraient aux phénomènes météorologiques extrêmes que nous avons déjà commencé à rencontrer.

Les fausses solutions pour conserver la diversité des forêts : le système REDD+ fondé sur le marché et les compensations

Alors qu’une saine synergie entre la CDB et la CCNUCC serait avantageuse pour la diversité biologique et pour le climat, une convergence dangereuse entre ces deux conventions est concoctée à l’heure actuelle par ceux qui veulent tirer profit de la crise climatique grâce à des mécanismes commerciaux tels que la compensation d’émissions, le commerce du carbone et les projets REDD+. Ces derniers ne font pas de distinction entre les forêts et les plantations (voir le point suivant) ; ils ignorent les sauvegardes pour la diversité biologique et pour les droits de l’homme et des peuples autochtones, et ils refusent toute surveillance indépendante. Tel qu’il se présente à l’heure actuelle, REDD+ ne s’attaque pas suffisamment aux causes directes et profondes du déboisement, et ne nous achemine pas vers la vraie solution : réduire à leur source les émissions des combustibles fossiles.

Ainsi, nous voyons avec inquiétude que ces approches mettent en danger ou érodent les droits collectifs des peuples autochtones et des populations forestières, et qu’elles mettent en péril la diversité biologique, aussi bien à l’échelon mondial (par le changement climatique) qu’au plan local (par « l’exploitation forestière durable », la production de biocarburant, etc.). En particulier, les droits des peuples autochtones que protègent des traités internationaux pourraient être menacés par des organisations qui réclameraient la propriété du carbone ou de la diversité biologique et qui, payant pour « sauver » les forêts, dicteraient l’usage à en faire. En outre, certaines grandes entreprises espèrent conserver leur accès à d’autres ressources, comme les minéraux, en divisant les forêts en zones et en compensant la destruction de l’une avec la « protection » de hotspots de diversité biologique dans l’autre.

Les plantations ne sont pas des forêts

Les plantations ne sont pas des forêts ; elles n’accomplissent pas les mêmes fonctions dans le maintien de la diversité biologique, des sols et de l’eau et dans la régulation du climat ; elles ont des effets négatifs sur les écosystèmes locaux et sur les moyens d’existence des peuples qui dépendent des forêts. L’établissement et le remplacement de plantations ont des effets dévastateurs sur les sols. L’idée que les jeunes arbres à croissance rapide piègent plus de carbone que les forêts est fausse. En plus, il est rare que les plantations fournissent aux peuples forestiers des moyens de subsistance, au contraire : dans la plupart des cas, elles provoquent la perte des moyens d’existence, des conflits et toute une série de problèmes sociaux. Or, déguisées en forêts, les plantations d’arbres en régime de monoculture sont en train de remplacer progressivement les écosystèmes forestiers riches en biodiversité.

Les arbres génétiquement modifiés

L’emploi d’arbres génétiquement modifiés aggraverait encore les problèmes associés à la plantation industrielle d’arbres et comporterait de nouvelles menaces qui auraient des conséquences de grande portée pour les forêts et leurs écosystèmes. En plus du trait voulu, la manipulation génétique introduit dans l’arbre des changements imprévisibles et non voulus, qui peuvent ne devenir évidents que des années ou des générations plus tard. Elle pourrait accroître la compétitivité ou la capacité de prolifération des arbres, modifier leurs interactions avec d’autres organismes tels que les microbes du sol, les insectes et les autres plantes, ou affecter leur réponse aux stress biotiques ou abiotiques, les rendant, par exemple, plus vulnérables aux orages, au feu et aux agents pathogènes. Elle pourrait faire diminuer le nombre d’organismes bénéfiques et de prédateurs. La contamination génétique des forêts naturelles par la dispersion de graines ou le croissement par le pollen sont des risques majeurs associés aux essais en plein champ et à la plantation commerciale d’arbres GM.

Que faut-il faire ? Que devrait faire la CDB ?

Pour mettre fin à la diminution de la diversité biologique il est indispensable de mettre fin au déboisement. La CDB (et non la CCNUCC ni les marchés du carbone) devrait être à la tête de la protection des forêts.

Ainsi, les Parties doivent :

Décider de réduire le déboisement à zéro d’ici à 2020

  1. S’attaquer aux causes directes et sous-jacentes du déboisement, en commençant par les subsides comme ceux qu’on accorde à la production de biocarburants (voir le document nº 6 sur la bioénergie), de soja et de viande ;
  2. pour protéger les forêts, adopter une approche par écosystème qui privilégie les forêts primaires, qui contienne des mesures de précaution à l’égard de la diversité biologique et qui reconnaisse les droits des populations forestières à l’accès, au contrôle et au gouvernement des forêts et l’importance du rôle que jouent les femmes dans leur gestion et leur protection.

Rejeter les approches qui réduisent les forêts à des réservoirs de carbone et des objets de commerce

  1. Rejeter les systèmes de compensation de la perte de diversité biologique et les systèmes REDD fondés sur le marché, qui ne contiennent pas des sauvegardes appropriées pour la diversité biologique et les droits de l’homme et des peuples autochtones, et dont on ne sait pas encore s’ils réduiront les émissions de façon démontrable ;
  2. renforcer le dialogue avec la CCNUCC pour s’assurer que toute politique concernant le climat et les forêts prend en compte l’éventail complet des valeurs des forêts et le rôle clé que jouent les peuples autochtones et les ICCA dans les efforts d’atténuation des émissions, en veillant à la préservation et au respect des droits de ces peuples et de la diversité biologique des forêts.

Adopter une définition des forêts qui coïncide avec les principes et les objectifs de la CDB

  1. Organiser un processus participatif pour formuler une définition des forêts et de leur gestion durable qui soit acceptée par tous, en appliquant une approche par écosystème qui inclue les droits des communautés à accéder aux forêts, à en assurer le contrôle et à les gouverner ; cette définition devrait exclure les plantations d’arbres en régime de monoculture et éviter l’invasion d’espèces exotiques.

Décider la suspension obligatoire de tous les essais en plein champ et de la commercialisation d’arbres GM.