Résistance des communautés quilombolas contre la société Suzano dans l´Extrême Sud du Bahia, Brésil

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Suzano Brazil Bahia
Photo: ExtremoQuilombo WebTV

Dans l'extrême sud de Bahia, au Brésil, l'avancée des monocultures industrielles d'eucalyptus s'est faite, entre autres, sur des terres indigènes et quilombos. Depuis des décennies, ces peuples et populations traditionnelles se battent pour la reconnaissance de leurs terres et le droit d'y rester.
 
Suzano Papel e Celulose est devenue l'une des plus grandes entreprises au monde dans le secteur de la pâte à papier en 2019 lorsqu´elle a racheté Fibria, résultat d'une autre fusion entre Votorantim et Aracruz Celulose en 2009. Aujourd'hui, elle possède 2,1 millions d'hectares dans sept États du Brésil (Espírito Santo, Bahia, Maranhão, Ceará, Pará, Mato Grosso do Sul et São Paulo) et contrôle 50 % de la société Veracel Celulose à Bahia. Suzano possède 1,3 millions d'hectares de plantations d'eucalyptus et exploite 10 usines de pâte à papier.
 
Lors de ce parcours d´incorporation de plusieurs autres entreprises, Suzano a accumulé, tout au long de plusieurs décennies, un immense passif social et environnemental, un historique de violations et d'illégalités, résultat d´un modèle néfaste de grandes monocultures industrielles d'eucalyptus. Les communautés quilombolas de l'extrême sud de Bahia sont bien conscientes de cette réalité, elles font partie de cette histoire.
 
Le 29 mars 2022, a eu lieu une audience publique sans précédent, au cours de laquelle le Ministère Public Fédéral (MPF) et le Bureau du Défenseur Public de l'Union (DPU) ont ouvert un espace jusqu'alors inexistant pour que les communautés quilombolas puissent témoigner des impacts sociaux, environnementaux, économiques et culturels auxquels elles sont confrontées en raison de la monoculture d'eucalyptus dans l´extrême sud de Bahia.
 
WRM s'est entretenu avec Célio Pinheiro Leocádio - président de l'Association Quilombola de Volta Miúda, de la municipalité de Caravelas et président de la Coopérative Quilombola de l'Extrême Sud de Bahia - sur la lutte incessante des communautés pour la défense de leur territoire et pour conserver ce qui reste de leur culture dans une région où l'industrie de la pâte à papier a fait d'immenses dégâts.
 

WRM : Quel est le plus grand défi auquel les communautés Quilombola de l'extrême sud de Bahia sont actuellement confrontées en ce qui concerne leur territoire et, plus généralement, la lutte pour leurs droits ?
 
Célio : Dans l'extrême sud de Bahia, il n´existe que huit communautés quilombolas certifiées par la Fondation Culturelle Palmares, l'institution qui reconnaît les communautés quilombolas. (1) Les communautés certifiées sont donc : Candido Mariano, Rio do Sul et Helvécia, dans la municipalité de Nova Viçosa ; Volta Miúda, Mutum et Naiá, dans la municipalité de Caravelas ; Vila Juazeiro à Ibirapuã et Mota à Itanhém. Mais nous savons qu'il existe de nombreuses autres communautés qui ne bénéficient pas de certification.
 
De ces huit communautés, seules cinq ont pu ouvrir leur processus de démarcation territoriale auprès de l'INCRA [Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire] processus qui dure maintenant plus de 10 ans. La seule communauté dont le rapport est déjà publié et et qui est déjà soumise à une contestation est la communauté de Mota. Malgré les avancées offertes par l'INCRA dans le droit que possède cette communauté, il s'agit d'une situation particulière : dans la zone autour de la Communauté Mota, l'activité est surtout reliée à l´élevage à grande échelle, pas exactement à la monoculture d'eucalyptus, elle n'affecte pas Suzano. Les autres communautés ont leurs dossiers prêts, mais nous savons qu'aujourd'hui l'INCRA bloque la publication des rapports des communautés, et nous n´en connaissons pas la raison. De ce fait, la communauté Volta Miúda dispose aujourd'hui d'une demande d'action civile publique en cours d´examen depuis septembre 2019 auprès du Ministère Public Fédéral.
 
Presque toutes les communautés quilombolas de ce territoire vivent encerclées par l´eucalyptus. Les communautés Mutum et Naiá ont été pratiquement anéanties par la monoculture d'eucalyptus.
 
Toutes les communautés quilombolas de la région sont en train d´être violées et massacrées par la monoculture d'eucalyptus. Il n'y a aucune communauté, qui serait, pour ainsi dire, dans sa "zone de confort". Toutes sont aujourd'hui vulnérables à la même menace et, pour ne rien arranger, les politiques publiques qui devraient faire respecter leurs droits ne sont pas appliquées.
 
Celles de Volta Miúda, Rio do Sul et Vila Juazeiro sont les trois communautés les plus exposées à l'eucalyptus car il est cultivé sur les propriétés et autour des maisons des habitants. Ils sont exposés au poison de l'eucalyptus et à la perte des sources d´eau. Nous n'avons plus de sources d'eau vivantes au sein des communautés.
 
La communauté d'Helvécia, étant plus densément peuplée, ne présente pas de plantations trop rapprochées d'eucalyptus, mais nous savons aussi que même dans le cimetière, l'eucalyptus impose sa présence, sans laisser l´occasion à la communauté de pouvoir dire ne serait-ce que: « Regardez, nous avons besoin d´un espace ici pour agrandir le cimetière ». Parce qu'il y a beaucoup de personnes qui meurent au sein de leur communauté, et la majorité des gens, y compris ceux d'autres communautés, viennent être enterrés dans le cimetière d'Helvécia.
 
WRM : Quel est le lien établit entre les communautés Quilombola de l'Extrême Sud de Bahia et leur territoire, et comment cela a-t-il changé avec l'arrivée de la monoculture d'eucalyptus ?
 
Célio : Ecoutez, en fait, mon âge, 44 ans, correspond pratiquement au moment de l´arrivée de l´eucalyptus dans la région. Mais je me souviens que nous avons connu des jours bien meilleurs, que nous avons eu autrefois notre habitat naturel, lorsque nous vivions dans l'abondance de la production, de tout. Aujourd'hui, la dégradation créée par cette monoculture d'eucalyptus a de fait changé notre vie à tous.
 
La rivière qui est en borne de la municipalité de Caravelas, où se trouve ma communauté et la municipalité de Nova Viçosa, était une rivière riche en poissons. Chaque fois qu'il y avait une inondation, on posait un filet en aval. Le lendemain nous y allions avec des ânes portant des paniers, des balaios, comme on les appelait. Puis nous retournions avec ces chargements pleins de poissons des rivières, pris dans les inondations qui se produisaient à l'époque. Aujourd'hui, cela n'existe plus. Cette rivière qui était difficile à traverser, tellement elle était profonde, aujourd'hui nous la traversons avec de l'eau à hauteur des genoux ou même sous les genoux. Aujourd'hui, 95% des sources d´eau sont mortes, les lagunes n'existent plus.
 
C'est donc quelque chose qui a manifestement changé. Nous espérons pouvoir récupérer ces territoires pour que ces zones qui ont été dégradées puissent être récupérées à nouveau. À mon âge, je n´aurai peut-être pas l´occasion d´en profiter. Mais nous pensons surtout aux nouvelles générations, nous aimerions qu´elles puissent jouir de ce dont nous avons bénéficié dans le passé. Mais cela n´aura pas lieu si l'État continue d´approuver des licences environnementales à davantage de cultures.
 
Grâce à la terre, nous avions beaucoup de nourriture. Nos saisons étaient régulières, il y avait la saison correcte pour planter les produits qui restent sous terre, c'est-à-dire l'arachide, la pomme de terre. Il y avait la saison pour planter le maïs. En février ou mars commence - commençait - la saison d´ensemencer la plupart des produits ; haricots, maïs, citrouilles. La période pour planter le maxixe (concombre des Antilles), le gombo, commence en septembre. Aujourd'hui nous n´avons plus accès à tout ça, beaucoup de gens finissent par produire avec l'irrigation - nous n'avions pas l'habitude de faire quoi que ce soit par l'irrigation - et si nous y sommes obligés aujourd'hui, nous nous voyons empêchés parce qu'il n'y a pas d'eau. Il y avait une abondance de production, de tout, nous n'achetions pas ces produits, aucun de ceux que nous avons mentionné. C'est comme ça que mon père et mes grands-parents vivaient. J'ai en mémoire que mon grand-père allait d'ici, de ma communauté, à la foire de Nanuque, et il emmenait avec lui les produits et quand il arrivait là-bas, ils échangeaient leur production contre quelque chose qu'ils n'avaient pas dans leurs terres. Alors je vous dis que nous n'avons plus ça. Pouvez-vous imaginer vivre à la campagne et acheter de la farine ? Acheter du maïs pour alimenter les poulets, acheter des haricots pour manger ?
 
WRM : Lors de l'audience publique, vous avez témoigné sur les impacts de la monoculture d'eucalyptus. Par ailleurs, quelles ont été les demandes que vous avez présentées au MPF ?
 
Célio: Le ministère public a alloué cinq places pour chaque communauté. Nous avons inscrit les cinq personnes de chaque communauté, soit un total de 55 personnes à l'audience, y compris les autres personnes intéressées à s'inscrire. Les communautés présentes à l'audience représentaient en moyenne 8800 personnes quilombolas des huit communautés. (2)
 
Ce jour-là, chaque communauté était chargée de présenter un certain nombre de thèmes à l'audience. Ce qui veut dire que chaque communauté a parlé au nom des huit communautés. Un exemple : Volta Miúda, ma communauté, était responsable de quatre thèmes. L'un des thèmes abordés était la question de la démarcation de nos territoires, et nous avons enjoint le Ministère Public de mettre en exécution le processus de démarcation au nom de toutes les communautés. Outre le processus de démarcation, englobant tout ce dont nous avons parlé relativement au processus de démarcation en soi, nous avons soulevé la question suivante : une fois que les communautés ont obtenu leur certificat de quilombolas, et que leurs territoires ont été étudiés et inclus dans la  carte officielle du territoire établie par l´INCRA, pourquoi le Ministère Public et le Bureau du Défenseur Public n'intentent-ils pas un procès pour obliger Suzano à commencer à se retirer des territoires de ces communautés ?
 
Par ailleurs, Suzano doit payer une compensation pour l'utilisation de notre territoire. Puisque tout cela est déjà prêt, il n'est pas nécessaire d'attendre que la démarcation soit conclue pour que nous ayons le droit d'utiliser notre territoire. Nous avons également souligné que, pendant tout ce temps, les communautés n´étaient pas en mesure de produire leurs aliments comme elles l'avaient toujours fait. Donc, ce que les entreprises devraient faire, c'est se retirer de nos territoires pour que les communautés puissent reprendre leur production, comme elles le faisaient auparavant.
 
Le troisième point soulevé par nous c´est la question de la crise hydrique à laquelle les communautés sont confrontées aujourd'hui et ses impacts sur les sources d´eau et la mortalité élevée de l´élevage portant ainsi préjudice aux communautés. Nous avons également soulevé la question de savoir pourquoi, aujourd'hui, l'INEMA (Institut de l'Environnement et des Ressources Hydriques), qui est l'organisme de l´État Fédéral délivrant le permis environnemental qui permet à l'entreprise de matérialiser tous ses désastres, délivre un permis d'utilisation de l'eau permettant à cette même entreprise d'utiliser ce qui reste des rivières afin de remplir des camions géants d'eau pour arroser ses cultures, alors que nos communautés, elles, ne peuvent utiliser l'eau parce que l'INEMA ne nous en octroie pas le permis ! Vous voyez là à quel genre de distorsion nous sommes soumis.  
 
Nous avons également mis en avant le fait qu´actuellement les communautés n'aient pas accès à l'électricité, ce qui est le cas des communautés de l'Extrême Sud. Aujourd'hui, un certain nombre de familles vivant submergées par les eucalyptus ont des enfants et des adultes qui ont besoin de nébulisation. Il leur faut marcher 15 ou 20 km pour que la personne ait accès à la nébulisation car il n'y a pas d´électricité pour utiliser le matériel de nébulisation !
 
Nous avons également fait valoir un point très important, à savoir, que les communautés qui n'étaient pas présentes pouvaient nous regarder sur la chaîne que nous avons sur YouTube, car ces communautés seraient intéressées par une participation à l'audience. Mais nous n'avons pas cette possibilité car les eucalyptus nous font obstacle. Même ce moyen de communication est entravé par les eucalyptus, car les plantations d'eucalyptus interfèrent avec les signaux téléphoniques et Internet, laissant les communautés isolées.
 
Nous avons soulevé le problème suivant : lorsque les entreprises sont arrivées dans cette région, elles ont dit qu'elles allaient apporter de nombreux emplois aux communautés, et cela ne s'est pas produit. Dans une communauté qui compte plus de mille personnes, il y en a quatre ou cinq qui travaillent. Nous avons également mentionné l'expulsion des personnes, des jeunes des communautés, l'exode rural. Chaque jour, on assiste à ce vidage vers la périphérie des grands centres urbains.
 
Nous avons également mentionné le droit d'aller et de venir - ce que les communautés n'ont pas aujourd'hui. Les routes sont toutes recouvertes d'eucalyptus. Au moment de l'exploitation forestière, toute la route est occupée, les gens des communautés ne sont pas autorisés à passer, les communautés voisines doivent attendre jusqu'à une demi-heure pour passer. En outre, il existe de nombreux autres dangers auxquels les gens doivent faire face. Il y a la milice armée de la compagnie Suzano qui empêche la libre circulation sur le territoire, et aussi, parce que les eucalyptus submergent les routes bloquant toute vision, un enfant a été battu à mort par des bandits. En cas d'urgence sanitaire, aucune communauté ne dispose aujourd'hui d'une route de bonne qualité pour faciliter une assistance rapide vers le lieu de soins le plus proche. Nous avons évoqué tout cela lors de l'audience.
 
WRM : Vous avez parlé de ces promesses que l'entreprise a faites à son arrivée. Pourriez-vous nous en dire plus sur ce qui a changé avec l´arrivée de Suzano dans cette région ? Comment s'est déroulé ce processus ?
 
Célio : En ce qui concerne le territoire de Volta Miúda, en particulier, FLONIBRA a été la première entreprise à arriver sur notre territoire. Ensuite, FLONIBRA est devenue Bahia Sul et après Bahia Sul, elle a pris le nom de Suzano. Alors, durant cette période, de Bahia Sul, est également arrivée la société Aracruz Celulose, qui est devenue plus tard Fibria. Et puis les deux sont devenues une seule et même entreprise, qui est la Suzano d´aujourd'hui.
 
Lorsque ces entreprises sont arrivées dans cette région, les communautés quilombolas y vivaient déjà. Les communautés n'avaient pas de titres fonciers, tandis que les entreprises, elles, s'appropriaient illégalement de ces terres par le biais de l'accaparement illégal des terres, elles se sont dotées des titres frauduleux, comme cela s'est produit presque partout dans le pays. (3) Y compris dans le non-respect univoque des possessions légitimes et de bonne foi, de la chaîne de succession vingtenaire, etc. Et, dans tout ce processus d'arrivée de l'eucalyptus, de l'arrivée de Suzano, de nombreux quilombolas ont dû quitter leurs terres, soit à cause de l´installation de la culture de l´eucalyptus, soit parce qu'ils n'avaient plus de moyens de travailler, parce qu'il n'y avait plus de terres.
 
Plus tard, certaines personnes ont commencé à travailler pour ces entreprises, parmi elles, mon père, mon oncle et de nombreux cousins. Ainsi, lorsque FLONIBRA est arrivée ici, elle faisait un peu attention aux communautés. Encore qu´il soit interdit à quiconque d´entrer dans leur zone, je peux vous affirmer avec une certitude absolue, je m'en souviens très bien. Il y a un peu moins de 10 ans, FIBRIA a empoisonné des palmiers à huile et des jacquiers - isolés dans les réserves forestières - selon nous, pour empêcher la circulation des membres extractivistes des communautés. Ils ont même utilisé un prétexte : la loi de la Convention sur la Biodiversité. Mais leur intérêt était d'empêcher la circulation des personnes. Le père José et João Luiz, du CDDH - Centre de Défense des Droits de l'Homme, l'avaient même dénoncé à l'époque.
 
Mais une fois que la société est devenue Suzano, ça s´est transformé en ce démon que vous pouvez voir. Aujourd'hui, les communautés ne sont respectées à aucun égard. En plus des impacts déjà mentionnés, nous subissons un procès ouvert auprès de la Justice Fédérale, un procès de Référé Conservatoire. C'était une réaction de l'entreprise lorsque nous avons commencé à dénoncer son manque de respect. Elle prétend que nous étions en train d´entraver ses activités et, par le biais de cette procédure, elle et ses avocats tentent de nous intimider.
 
D'une manière générale, on constate que depuis l'arrivée des plantations d'eucalyptus, en moyenne près de 50% de la population de ces communautés n'est plus sur son territoire, car elle n'a plus de moyens de subsistance. Pour la plupart, ces personnes sont dispersées, mais elles seraient tentées de retourner si jamais le territoire retombait entre les mains de la communauté.
 
Je crois fermement - et nous entendons les gens en parler - que s'ils avaient la possibilité de revenir, ils le feraient. Et nous pensons qu'ils reviendraient vraiment parce qu'il y a beaucoup de gens dans ces périphéries urbaines qui sont dans une situation désespérée parce qu'ils n'ont pas la possibilité de rentrer. Ils n'ont pas la possibilité d'être sur leur propre territoire.
 
WRM: Qu´attendez-vous de l´audience publique?
 
Célio : Le Ministère Public Fédéral et le Bureau du Défenseur Public de l´Union Fédérale ont déjà créé un groupe WhatsApp et nous ont demandé d'insérer deux participants de chaque communauté, et nous avons déjà inséré les participants. Ils nous ont demandé aussi d´y intégrer les participants de l´État d´Espírito Santo, qui étaient également présents à l'audience - qui se sont inscrits et ont participé - dont l'un représente la CONAQ (Coordination Nationale des Communautés Quilombolas), et là, nous les avons également insérés. À partir de là, ce qui s'est passé, c'est qu'une enquête a été ouverte. Nous avons eu 15 jours pour présenter une enquête sur toutes les sources d´eau, rivières, lacs, lagunes, que nous avons vu s'assécher et se dégrader à cause de la monoculture d'eucalyptus. Sur les huit communautés, cinq ont ce matériel prêt, mais nous ne pouvions pas laisser les trois autres derrière nous. Cette enquête est donc menée à l'aide d'images satellite afin de présenter tout ce matériel au MPF.
 
C'était donc l'une des exigences immédiatement posées au groupe et ils l´ont notamment renforcée en disant qu'ils auraient besoin de cette enquête pour que l'entreprise puisse récupérer ces sources d´eau et ces lagunes, et que si nécessaire, elle devrait s´en retirer ce qui venait rejoindre nos demandes. En outre, il y a aussi une vieille promesse, sur laquelle ils ont l´intention de se pencher qui est celle que la société viendrait générer de nombreux emplois pour les communautés, et aujourd'hui il est clair et net que c'est une farce que de prétendre qu'elle génère des emplois dans la région, tout simplement, elle ne le fait pas. Et encore moins lorsqu´il s´agit des communautés touchées.
 
Ces deux points ont attiré l'attention du MPF et du DPU et devraient être suivis par ces organismes après l'audience. Ils ont également demandé qu'il [le défenseur public] se rende dans la première communauté le 6 juin, la communauté de Volta Miúda, pour voir de près ce qui peut être fait avec cette question du développement des politiques publiques et aussi de la production. Cependant, il parle beaucoup de Volta Miúda parce que Volta Miúda a une action civile publique en cours au Ministère Public Fédéral et qu'ils doivent prendre des décisions sur ces questions. Mais il a dit qu'il aimerait visiter toutes les communautés.
 
Nous avons déjà réussi à mettre le matériel qui a été filmé lors de l'audience sur notre chaîne YouTube, chaque discours de chaque communauté, chaque leader, chaque personne, afin que les gens puissent mieux voir ce qui y a été discuté. (4) Nous avons écrit une lettre que nous avons présentée lors de l'audience. (5) Cette lettre mentionne de nombreux points très importants que les acheteurs, actionnaires et financiers de Suzano devraient connaître. Ils doivent savoir que cette entreprise qui semble si jolie, si gentille à l'extérieur, crée beaucoup de misère ici. Pour que les actionnaires aient autant d'argent, autant de ressources, de nombreuses vies sont fauchées ici, et nous n'avons pas cet accès direct pour que ces informations leur parviennent. Aux acheteurs, je dirais : si vous saviez que pour vous vendre un produit d´ici, de nombreuses vies sont sacrifiées, voudriez-vous l'acheter ? Je ne pense pas que vous voudriez acheter. C'est tout.
 
La monoculture de l'eucalyptus profite de politiques publiques discriminatoires qui témoignent d'un racisme environnemental. Elle rend invisibles les revendications des communautés Quilombola de l'Extrême Sud de Bahia, menaçant leurs mémoires et leurs droits. Sans la terre, nous n'avons rien. La lutte Quilombola est en défense de notre territoire ancestral, de notre culture et de notre bien-être social, économique et politique. Nous ne voulons pas d'argent, mais outre le Territoire Quilombola, la société nous doit, sans aucun doute, une compensation, c´est un droit mentionné magnifiquement par la constitution, mais qui n'est pas respecté !
 


(1) Organe gouvernemental chargé de la délivrance des certificats aux communautés quilombolas et de leur inscription au registre général. Il reconnaît les droits des communautés et donne accès aux programmes gouvernementaux, mais ne reconnaît pas le droit à la terre ; il s'agit bien plus de la reconnaissance de la communauté en tant que communauté quilombola.
(2) MPF, DPU et communautés quilombolas ont articulé des mesures pour mitiger les dommages causés par la monoculture de l´eucalyptus dans le sud de Bahia  
(3) Grilagem terceirizada, [Accaparement de terres sous-traité] por Teoney Araújo Guerra
(4) Extremo Quilombo [Extrême Quilombo] WebTV
(5) Carta Pública das Comunidades Quilombolas do Extremo Sul da Bahia [Lettre publique des Communautés Quilombolas de l´Extrême Sud de Bahia].