Les entreprises et les gouvernements concernés par le commerce international des bois tropicaux ont bien mérité leur mauvaise image. La plupart de leurs activités, souvent fondées sur la corruption, ont provoqué une destruction généralisée des forêts et la violation des droits de l’homme dans de nombreux pays. À présent, quelques-uns de ces acteurs semblent disposés – après avoir été la cible de fortes campagnes des ONG – à améliorer leurs performances, aussi bien dans le domaine de l’exploitation forestière que dans celui du commerce international du bois.
Bulletin Numéro 98 - Septembre 2005
L’exploitation illégale des forêts
LE THÈME CENTRAL DE CE NUMÉRO : L’EXPLOITATION ILLÉGALE DES FORÊTS
L’exploitation forestière illégale a été signalée comme l’une des causes principales de la destruction des forêts, autant dans les campagnes nationales que dans les campagnes internationales des ONG. Pourtant, le problème n’est pas si simple qu’il paraît. L’exploitation forestière légale est souvent aussi mauvaise que l’exploitation clandestine ; il existe même des exemples qui montrent que la dernière peut être plus favorable à la société et à l’environnement que la première ! Bien entendu, cela ne veut pas dire que le WRM défende l’exploitation illégale des forêts, mais que le problème de la légalité et de l’illégalité étant complexe, il peut être dangereux de l’aborder de façon simpliste. L’importance de l’exploitation clandestine dans la destruction des forêts varie d’un pays à l’autre, comme varient les effets de l’exploitation légale. Nous sommes persuadés que l’essentiel ne réside pas dans les questions de légalité mais dans les conséquences favorables ou préjudiciables que l’exploitation forestière, légale ou illégale, entraîne pour la société et l’environnement. Cette complexité nous a portés à demander à plusieurs personnes de partager avec nous leurs connaissances et opinions sur divers aspects du problème. Les articles ci-dessous en sont le résultat. Nous espérons qu’ils nous permettront d’avoir une perspective plus large et plus profonde de la question qui nous occupe.Bulletin WRM
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Septembre 2005
NOTRE OPINION
EN QUÊTE DE SOLUTIONS
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13 septembre 2005Est-ce la dichotomie exploitation légale – exploitation illégale qui devrait dominer dans une politique de conservation des forêts ? L’exploitation illégale a lieu lorsque le bois – devenu un produit rentable à commercialiser – est récolté, transporté, acheté ou vendu en contravention des lois nationales. Mais les lois différant beaucoup d’un pays à l’autre, il n’est pas possible de distinguer, à l’échelon mondial, l’exploitation légale de l’exploitation illégale, dans la mesure où il n’existe pas de normes internationales à ce sujet. Il faudrait peut-être se poser dans chaque cas les questions suivantes : qu’est-ce qui est légal ? qu’est-ce qui devrait être illégal ? ce qui est légal est-il légitime ?
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13 septembre 2005L’exploitation forestière illégale est sans doute le problème du secteur forestier le plus débattu ces derniers temps au niveau international ; il n’a cessé d’attirer de plus en plus d’attention au cours des dix dernières années. Les gouvernements, les industries forestières, les bailleurs de fonds et les ONG semblent d’accord qu’il s’agit là d’une des questions les plus importantes à résoudre. Le problème a été débattu à des réunions de haut niveau.
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13 septembre 2005Les ONG européennes estiment que plus de 50 % des importations de bois tropical de l’UE et plus de 20 % de celles en provenance des forêts boréales sont d’origine illégale. D’autre part, on estime que, dans plusieurs pays européens et en particulier dans la Baltique et en Europe orientale, l’exploitation forestière est clandestine à 50 %. L’Union européenne ne possédant pas d’instruments de contrôle des importations de bois, elle blanchit chaque année de grands volumes de bois d’origine illégale. Par suite des pressions exercées par des ONG environnementales et sociales pour que ce problème soit attaqué, la Commission européenne a adopté en mai 2003 un Plan d’action sur l’application de la législation forestière, la gouvernance et les échanges commerciaux (FLEGT).
L’EXPLOITATION FORESTIÈRE ILLÉGALE SUR LE TERRAIN
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13 septembre 2005Le processus d’amélioration de la gouvernance et l’application des lois dans le secteur forestier de l’Afrique (AFLEG en anglais) est vite apparu après le FLEG de l’Asie, bien que, déjà à l’époque et encore aujourd’hui, les résultats pratiques véritables du processus asiatique se soient avérés difficiles à atteindre.
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13 septembre 2005On parle beaucoup de la « coupe illégale ». Au Costa Rica, la politique forestière du gouvernement actuel s’est pratiquement limitée à constituer, avec l’aide généreuse de la FAO, une équipe d’analyse et d’action contre l’extraction illégale. D’après le gouvernement, c’est là le problème essentiel du secteur forestier. Il a été mentionné, sur la base de renseignements d’origine obscure, que 25 à 35 pour cent du bois consommé provenait de sources illicites. Pourtant, dans une perspective écologiste nous éprouvons le besoin de mieux préciser le tableau, en identifiant d’abord les différentes versions de ce qu’on appelle « exploitation illégale des forêts ».
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13 septembre 2005Les forêts du Pérou sont assiégées. Partout dans l’Amazonie péruvienne, des exploitants forestiers clandestins ou censément « légaux » ont entrepris une extraction massive et destructrice des derniers acajous (Swietenia macrophylla) et cèdres (Cedrela odorata), deux essences de grande valeur. D’après les dernières estimations, 90 % du bois récolté dans l’Amazonie péruvienne sont d’origine illégale. Les chiffres officiels indiquent que la plupart du bois de feuillus péruvien est exporté vers le Mexique, les États-Unis, le Canada et la Belgique. Une bonne partie de ce bois est importée en violation des accords internationaux sur l’environnement (comme le CITES).
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13 septembre 2005L’exploitation forestière illégale est un grand problème en Indonésie. Le nouveau ministre des forêts, Malam Sambat Kaban, le qualifie de « cancer généralisé ». « Si ce virus n’est pas bientôt éradiqué... », dit-il, les forêts du pays ne survivront pas au-delà des 15 prochaines années. Il mentionne des statistiques d’après lesquelles 60 millions d’hectares de forêt, sur les 120 millions que possédait le pays, ont déjà été dégradés ou détruits, pour la plupart pendant les 20 dernières années. La destruction se poursuit au rythme d’environ 2,8 millions d’hectares par an.
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13 septembre 2005L’entreprise Asia Pulp & Paper (APP), l’un des plus grands producteurs mondiaux de pâte et de papier, a été accusée par Greenpeace d’exploiter illégalement les forêts de la province de Yunnan, la région la plus riche en diversité biologique de la Chine, située dans le Sud-Ouest du pays. En août 2002, APP et le gouvernement provincial du Yunnan ont signé un protocole d’accord concernant un projet de l’entreprise pour l’intégration de la plantation d’eucalyptus et la production de pâte et de papier. Alors que le projet attendait d’être approuvé par le gouvernement central, l’APP a tout de suite commencé à abattre des arbres sans autorisation aucune, dans le but de défricher 1,83 millions d’hectares de terres destinées à ses plantations d’arbres à pâte.
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13 septembre 2005D’après les dernières estimations officielles (Étude des forêts de l’Inde, Rapport 2003 sur la situation des forêts), l’Inde continue de perdre son couvert forestier. Les chiffres pour 2003 font état d’une diminution nette de presque trois millions d’hectares de « forêts denses », ce qui représente un déboisement grave et continuel des forêts dont le couvert atteint une densité de 40 pour cent et plus. Les images par satellite, source de ces données, étant traitées comme « documents classés secrets » dans le pays, et les vérifications sur le terrain (lorsqu’elles existent) étant effectuées de la même façon clandestine, on ne peut jamais savoir exactement combien de forêts disparaissent chaque année ni où elles étaient.
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13 septembre 2005Beaucoup d’ONG européennes sont d’avis que les marchés publics ont le potentiel de contribuer grandement à la gestion responsable des forêts au plan mondial. D’après les chiffres présentés par la WWF, les achats de bois et de produits dérivés du bois effectués par les gouvernements représentent 18 pour cent des importations totales de bois des pays du G8 et s’élèvent à 20 milliards de dollars par an. Il s’agit donc d’une force économique formidable sur le marché international du bois.