Belgique: projet d’essais en plein champ de peupliers GM pour la fabrication d’éthanol

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Vers la fin de l’année dernière, l’Institut de Flandres pour la biotechnologie (VIB), une institution de recherche en sciences de la vie, a demandé l’autorisation de faire en Belgique un essai en plein champ de peupliers génétiquement modifiés. Ces arbres GM auraient un taux de lignine modifié pour rendre plus facile la production d’éthanol.

Le VIB, créé en 1996, est financé surtout par le gouvernement flamand et emploie plus d’un milliers de chercheurs. Son objectif est de faire des découvertes scientifiques « susceptibles d’application industrielle » ; une fois ces découvertes brevetées, l’institut passe des accords avec des entreprises existantes ou bien crée lui-même des entreprises de lancement qui les développent et les transforment en « produits prêts pour le marché ». En 2006, le VIB avait déjà breveté cent découvertes.

L’institut possède une équipe de communications qui se charge de produire des informations à l’intention des enseignants, des journalistes et des politiciens. Il organise des concours dans les écoles, fournit du matériel didactique, des livres, des présentations et des expositions. Ces matériels ont des titres du genre « Qu’est-ce que l’ingénierie génétique ? », « La sécurité des produits agricoles génétiquement modifiés », ou « La xénogreffe : l’animal dans l’homme ». Dans ses brochures de luxe, le VIB fait l’éloge de la biotechnologie, en minimise les risques et dépeint les scientifiques comme des experts impartiaux dont le seul intérêt est le bien de la société. Parallèlement, le VIB fait pression sur les politiciens pour qu’ils relâchent les réglementations concernant l’utilisation de cellules humaines et de cultures GM.

D’après la demande présentée aux autorités belges, le VIB prévoit de planter des arbres GM sur une parcelle expérimentale de 0,24 hectare située dans le parc scientifique et industriel de l’université de Ghent, à Zwijnaarde. Ces arbres seraient plantés en mai 2008, et l’expérience se prolongerait jusqu’à la fin 2014.

Le genre Populus comprend une trentaine d’espèces indigènes de presque tout l’hémisphère nord ; dans la langue courante, elles peuvent s’appeler peuplier, tremble, peuplier de Virginie, etc. Il s’agit de l’arbre préféré des chercheurs pour l’expérimentation génétique. Le premier essai en plein champ d’arbres génétiquement modifiés a été fait en 1998 en Belgique ; les arbres en question étaient des peupliers résistants aux herbicides. Depuis, sur les plus de 200 essais d’arbres GM faits dans le monde, bien plus de la moitié concernent des peupliers. En 2006, Populus trichocarpa est devenu le premier arbre dont le génome avait été entièrement séquencé.

Les peupliers sont les seuls arbres GM commercialisés. En Chine on les plante depuis 2002. Il n’y a pas d’information sur leur nombre ni sur l’endroit où ils sont plantés. En 2004, Xue Dayuan, de l’Institut de sciences de l’environnement de Nanjing, a dit au China Daily qu’on avait déjà trouvé des gènes de peupliers GM dans les variétés naturelles qui poussaient à proximité.

Étant donné que les espèces sauvages de la même famille existent partout en nombre considérable, le risque de contamination génétique est énorme. Les peupliers peuvent se reproduire par des drageons qui naissent sur les racines. Le pollen et les semences se dispersent dans le vent « possiblement sur des distances assez longues », signale le VIB. Néanmoins, le VIB ajoute que « la régénération par les graines n’est pas souvent observée car il est rare qu’elles trouvent les conditions écologiques nécessaires à leur germination ». Bien que les conséquences de la contamination génétique de peupliers non GM soient inconnues, elles pourraient bien être dévastatrices ; ainsi, les mots « pas souvent » et « rare » sont loin d’être rassurants.

Le VIB affirme que « Il est prévu que l’impact environnemental de cette introduction sera nul, puisque les peupliers GM ne vont pas fleurir et que tous les drageons qui naîtront des racines superficielles seront détruits ». Il est exact que les arbres plantés seront des clones femelles qui ne produiront pas de pollen. Il est probablement vrai aussi que si les arbres fleurissent, les chercheurs du VIB enlèveront les fleurs. Toutefois, l’impact environnemental de l’essai ne sera pas nul.

Le VIB ignore le fait que le but de la plantation d’essai est de développer des arbres GM pour produire de l’éthanol. Pour être commercialement viables, les plantations de peupliers GM devront couvrir de vastes étendues. Dans ce cas, la contamination génétique des variétés naturelles de peupliers, trembles et peupliers de Virginie sera inévitable.

Le VIB ne mentionne pas les effets des plantations industrielles d’arbres sur les communautés et leur environnement. Il ne considère pas non plus le fait que si l’on plante des arbres (ou tout autre produit agricole) pour fabriquer des agrocarburants, les conflits territoriaux vont augmenter. Pour ne pas détruire les forêts et les prairies (car cela libèrerait d’énormes quantités de carbone), les plantations d’arbres devront être établies dans les terres agricoles. Cela fera monter les prix des aliments, et poussera les entreprises et les agriculteurs à trouver de la terre ailleurs, y compris dans les forêts et les prairies. Deux articles récemment parus dans la revue Science montrent que tous les agrocarburants causent davantage d’émissions de gaz à effet de serre que les carburants conventionnels, une fois prises en compte les émissions découlant du défrichage de la terre et des opérations de fabrication.

Ceux qui proposent les agrocarburants et les arbres GM comme solution au changement climatique sont souvent des scientifiques qui y trouvent des avantages pour leurs recherches. « La biomasse est une ressource abondante, renouvelable et neutre en carbone pour la production de bioénergie et de biomatériels et, en l’utilisant davantage, on pourrait satisfaire plusieurs besoins sociaux », dit un article publié dans la revue Science en janvier 2006. Ce qui manque dans les affirmations de ce genre est la comparaison des agrocarburants avec, par exemple, la production à grande échelle d’énergie solaire et éolienne combinée avec des câbles de courant continu haute tension et des cellules de carburant d’hydrogène. Ces technologies peuvent être utilisées immédiatement et elles réduiraient radicalement les émissions de gaz à effet de serre. Les arbres GM, non.

Chris Lang, http://chrislang.org