Malaisie : le CCBM certifie des concessions forestières sans tenir compte de la volonté ni des droits des Penan

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Les Penan du Sarawak luttent pour leurs droits à la terre et aux forêts depuis plus de vingt ans, non seulement en faisant des barricades sur les routes des entreprises forestières mais en revendiquant au tribunal leurs droits coutumiers autochtones. Malgré la résistance permanente que rencontrent les activités forestières et les plantations effectuées dans le territoire natal des Penan, le gouvernement du Sarawak et ses concessionnaires (les entreprises forestières et de plantation) continuent d’ignorer leurs droits fonciers.

Le Conseil de certification du bois de la Malaisie (CCBM) a pris l’initiative sans précédent de délivrer un certificat de gestion forestière à Samling Plywood (Baramas) pour une concession qui fait l’objet depuis 1998 d’une action en justice intentée par les Penan, sur laquelle le tribunal ne s’est pas encore prononcé. Cela veut dire que Samling vend maintenant le bois du territoire des Penan comme du bois récolté de façon “durable” et “légale”, contre la volonté déclarée de ces derniers. Malgré les nombreuses protestations des Penan, le CCBM a refusé de respecter les normes qu’il prétend avoir et d’annuler le certificat délivré à Samling en octobre 2004.

Du moment que l’Union européenne est en train de discuter si elle accepte les certificats du CCBM, et que la Dutch Keurhout Foundation les a déjà acceptés comme garantie de l’origine “légale” du bois malais, les ONG européennes Bruno Manser Fonds, Rainforest Foundation Norvège et FERN ont estimé qu’il fallait sans délai informer les gouvernements que le CCBM viole les droits des peuples autochtones, et les exhorter à ne pas accepter les certificats en question comme preuve de durabilité ni de légalité.

Les organisations mentionnées ont donc produit la déclaration suivante, qu’elles ont distribuée à d’autres ONG pour signature, où elles demandent aux gouvernements et aux industries de ne pas accepter le plan de certification du bois malais du CCBM parce qu’il ne respecte pas les droits des peuples autochtones :

« Nous, les organisations non gouvernementales soussignées, recommandons vivement à l’Union européenne, aux gouvernements européens et à l’industrie européenne du bois de ne pas accepter le système de certification du Conseil de certification du bois de la Malaisie (CCBM) comme garantie de légalité ni de durabilité de la gestion forestière, parce que le CCBM ne respecte pas les droits des peuples autochtones. La récente certification d’une unité de gestion forestière du Sarawak, qui viole ouvertement les droits des Penan, nous inquiète tout particulièrement.

Le Conseil de certification du bois de la Malaisie (CCBM) s’enorgueillit de garantir la provenance durable et légale des produits de bois commercialisés sous son label. Néanmoins, les ONG malaises critiquent depuis des années le mépris dont le CCBM fait preuve à l’égard des droits des peuples autochtones. La récente certification de Samling Bhd. – qui est la première certification autant d’une entreprise privée que d’une Unité de Gestion forestière – est une confirmation consternante de ce mépris : elle s’applique à l’une des zones boisées les plus disputées du Sarawak, et elle a été délivrée sans consulter toutes les communautés penan concernées.

Une partie considérable de l’Unité de Gestion forestière de Sela’an-Linau, située dans la région d’Ulu Baram du Sarawak, se trouve dans une zone sur laquelle les Penan affirment avoir des droits coutumiers autochtones et l’ont ainsi revendiqué en justice en 1998. L’affaire est encore en instance à la Haute Cour du Sarawak. En certifiant cette zone, le CCBM a enfreint ses propres normes de certification, suivant lesquelles « les droits de longue date d’utilisation de la terre et des produits de la forêt devront être clairement définis, documentés et légalement établis ».

La société Samling est entrée dans la région au début des années 1990 et elle a fait appel à la police pour vaincre la résistance des peuples autochtones à l’exploitation forestière. Depuis que cette exploitation a commencé, les Penan n’ont cessé de protester contre la destruction de leurs forêts, dont ils dépendent pour la chasse et pour la cueillette du sagou sauvage, des plantes médicinales et du rotin qu’ils emploient dans leur travail artisanal.

En janvier 2005, plus de 600 Penan sédentaires et semi-nomades qui habitent la région ont protesté contre la certification, et leur opposition a été confirmée par la suite lors d’une réunion de leurs représentants effectuée le 18 août 2005.

Dans une lettre adressée le 25 janvier 2005 au CCBM, le chef Bilong Oyau de Long Sait (Division Miri, Sarawak) a écrit : ‘Nous sommes fortement opposés à cette certification [...]. Nous avons vécu ici en paix jusqu’à ce que les compagnies forestières viennent perturber notre vie en empiétant sur notre forêt. Nombre d’entre nous ont souffert par suite des opérations d’abattage de Samling : nos rivières sont polluées, nos sites sacrés ont été endommagés et nos animaux ont fui devant ceux qui nous privent de nos moyens d’existence et de notre culture.’

Tout en poursuivant sa campagne de relations publiques dans le monde entier, le CCBM ignore les protestations des Penan et refuse d’annuler la certification abusive d’une zone qui est exploitée contre la volonté de la population autochtone concernée.

La décision d’accepter ou de refuser le CCBM comme garantie de légalité a beaucoup d’importance, car elle peut être le baromètre indiquant quels critères appliqueront les gouvernements européens pour définir qu’un bois tropical est ‘acceptable’, en particulier quand il s’agit de décider, dans le cadre du processus FLEGT, l’octroi de licences d’exploitation et la définition de politiques d’achat de bois par les pays membres de l’UE.

La communauté des ONG est en désaccord avec les évaluations effectuées par certains États membres de l’UE, comme le Royaume-Uni et le Danemark, et par les industries du bois, comme la Dutch Keurhout Association, qui ont conclu que le CCBM était une garantie de légalité.

Du point de vue des droits des peuples autochtones, la certification de la concession de Samling à Sela’an-Linau est absolument inacceptable, et constitue d’ailleurs une preuve supplémentaire que, pour le CCBM, la ‘durabilité’ et la ‘légalité’ n’incluent pas le respect des droits élémentaires de la population autochtone affectée.

Nous conseillons aux ministres responsables et à l’industrie du bois de reconsidérer d’urgence le système de certification du bois malais du CCBM à la lumière de ces nouvelles informations.

[Signatures] »

Pour plus d’informations vous trouverez sur http://www.bmf.ch/en/pdf/selaan-linau-report.pdf un rapport (en anglais) sur la certification du CCBM.