Le 8 mars dernier, une grande mobilisation a eu lieu sur la route BR-101 Nord de l’État brésilien d’Espirito Santo, dans la localité de São Mateus. Coïncidant avec la journée internationale de la femme, près de 600 autochtones guaranis et tupiniquis, des représentants des communautés afro-brésiliennes (Quilombos), des membres du Mouvement des travailleurs ruraux sans terre (le célèbre MST) et du Mouvement des petits agriculteurs (MPA, qui intègre Via Campesina), avec la participation de nombreuses femmes, ont occupé la route et arrêté la circulation.
Le choix de cette route n’était pas l’effet du hasard : c’est celle qu’empruntent 39 camions par heure pour transporter vers les usines de l’entreprise Aracruz Celulose des rondins d’eucalyptus, et de la pâte à papier fabriquée par l’entreprise Bahia Sul.
Les manifestants appartiennent au mouvement « Alerte Désert Vert », qui lutte contre les grandes monocultures d’arbres dans le pays. L’objectif principal de cette manifestation était de protester contre le Plan forestier national du gouvernement fédéral, qui prétend élargir à court terme de plus de deux millions d’hectares supplémentaires les plantations d’arbres, qui passeraient ainsi à occuper sept millions d’hectares.
L’une des entreprises qui profiteraient de cette expansion serait Aracruz Celulose. Établie à l’époque de la dictature militaire avec des ressources du gouvernement fédéral, l’entreprise possède actuellement quelque 220 000 hectares plantés d’eucalyptus dans l’État d’Espirito Santo. Une bonne partie de ces terres appartenaient aux communautés quilombolas et autochtones, auxquelles l’entreprise les avait enlevées de force ou achetées à des prix très au-dessous de leur véritable valeur. Chassées de leurs terres, ces populations sont allées grossir les banlieues de la ville de São Mateus, et l’on estime aujourd’hui que 60 de ces quartiers périphériques sont surtout peuplés par des gens expulsés par Aracruz Celulose. Il a été dénoncé également que 47% des terres municipales de Conceição de la Barra ont été consacrées à la plantation d’eucalyptus.
Dans les plantations d’eucalyptus on utilise de grandes quantités de produits agrochimiques toxiques, qui détruisent la biodiversité et contaminent les gens, l’eau et le sol. Ainsi, des terres qui étaient bonnes pour l’agriculture se perdent, n’étant plus utilisées pour la production d’aliments mais pour celle de pulpe à destination de l’Europe et des Etats-Unis, où elle devient surtout du papier hygiénique. Les bénéficiaires d’un tel modèle sont un petit groupe brésilien et, surtout, l’industrie européenne qui produit les machines et la technologie nécessaires au secteur de la pâte et du papier.
Les crimes commis par l’entreprise contre l’environnement ont été dénoncés l’année dernière au gouvernement fédéral, mais à cette date aucune mesure n’a été prise pour arrêter les dégâts. C’est pourquoi les manifestants ont choisi de manifester sur la route pour exprimer leur mécontentement contre une telle omission des gouvernements étatique et fédéral, et pour rechercher l’appui de la communauté dans leur lutte pour la terre.
Des dizaines de pancartes mettaient au clair que les manifestants veulent une réforme agraire, la production d’aliments bons pour la santé et la restitution des terres autochtones et quilombolas, aujourd’hui occupées par la méga-entreprise Aracruz Celulose. Sur ces pancartes on pouvait lire : « Aracruz Celulose envahit les terres autochtones et quilombolas » ; « MST et MPA contre les monocultures d’eucalyptus et de canne à sucre ».
Les manifestants ont annoncé qu’ils continueront sur la même voie si leurs revendications ne reçoivent pas de réponse. Ils estiment qu’elles devraient être prioritaires pour un gouvernement populaire, et qu’il est inacceptable que le gouvernement du président Lula privilégie en revanche le secteur réduit des grandes plantations d’eucalyptus et d’élaboration de pulpe pour l’exportation, dont la chaîne de production engloutit de grandes sommes de l’argent public mais crée très peu d’emplois. Ainsi, la construction de la nouvelle usine de pâte de Veracel Celulose, dans l’État de Bahia, coûtera plus de 1 000 millions de dollars, mais comportera la création de seulement 400 postes permanents. Avec ce genre de « développement », ce sont les femmes qui souffrent le plus, car en perdant leurs terres elles perdent leurs moyens de subsistance.
Article basé sur des informations tirées de : “Indios, quilombolas, sem terra e pequenos produtores param carretas da Aracruz e Bahia Sul Celulose em protesto contra a política do Governo Federal de apoio à expansão do plantio de eucalipto”, Vitória, 8 mars 2004, déclaration de MPA, MST, FASE/ES; “Manifestação pára carretas da Aracruz Celulose na BR-101”, et “Polícia Rodoviária tenta liberar carretas da Aracruz Celulose na BR-101”, Ubervalter Coimbra et Apoena, http://www.seculodiario.com , 08/03/2004, documents envoyés par FASE, adresse électronique : geise.fase@terra.com.br