7. La voie à suivre

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Le capital spéculatif et les parties intéressées (banques, consultants, grandes entreprises, fonds d’investissement, ONG et, souvent, nos propres gouvernements) prétendent, grâce au commerce des services écologiques, s’emparer des territoires des peuples pour gagner de l’argent. De ce fait, la lutte pour les droits des peuples qui dépendent des forêts devient beaucoup plus difficile et complexe.

Comment poursuivre cette lutte ? Nous présentons ci-dessous quelques orientations possibles.

– Beaucoup de communautés qui vivent dans les forêts, qu’elles soient paysannes, traditionnelles ou indigènes, partagent la même préoccupation sur la manière de les conserver ces forêts, surtout quand elles se raréfient et que le besoin de terres augmente. Souvent, elles demandent, avec raison, l’aide de l’État pour garantir leur conservation.

Les informations recueillies dans le présent article suggèrent que les communautés, au lieu de participer à des plans comme le PSE et le commerce de services écologiques, devraient se renseigner sur ce que signifient et comportent les services écologiques et leur commercialisation, et organiser des débats avec tous leurs membres. L’objectif de ce document est précisément d’alimenter ces débats.
L’argent que les gouvernements dépensent pour aider les grandes entreprises et les banques pourrait être affecté aussi à des politiques publiques pour aider les communautés qui souhaitent conserver et récupérer leurs forêts, sans qu’il soit nécessaire d’avoir recours à des mécanismes aberrants comme le commerce des services écologiques, qui accélèrent la marchandisation de la nature.

– Une caractéristique commune au commerce des services écologiques et au marché du carbone est le manque de transparence. Il est très important d’exiger des autorités de chaque pays de l’information sur les réglementations déjà approuvées et sur celles qui sont à l’étude à ce sujet. Au Brésil, où la législation sur le commerce des services écologiques avance rapidement, on remarque des contradictions entre cette législation et la constitution du pays, par exemple lorsque les projets de loi proposent la privatisation de quelque chose qui est de libre accès pour toute la population. Dans l’État d’Acre, des organisations de la société civile sont en train de réclamer au Ministère public fédéral qu’il intente une action en inconstitutionnalité contre la Loi étatique 2.308/2010 qui institue le Système d’incitations du service écologique.

– Dans presque tous les pays du Sud, l’agriculture paysanne manque d’appuis et de politiques publiques pour subsister et se renforcer. Ce type d’agriculture, pratiquée même dans des zones boisées sans menacer la continuité de la forêt, a toujours permis la coexistence et l’interaction avec l’écosystème. L’idée du commerce de services écologiques élimine cette coexistence. Si les politiques publiques appuyaient davantage ce type d’agriculture, la sécurité et la souveraineté alimentaires des populations et des régions qu’elles habitent seraient plus fortes. En outre, l’agriculture paysanne contribue déjà, comme l’a fait savoir La Vía Campesina, à refroidir la planète. Or, au lieu de soutenir les communautés paysannes, certains États financent et facilitent l’introduction du commerce des services écologiques, en dépensant des deniers publics et même en s’endettant davantage auprès d’institutions internationales comme la Banque mondiale, lorsque celles-ci proposent des « incitations » pour ce nouveau type de commerce. Encore une fois, c’est le peuple qui paye.

– La tendance à soumettre la nature au commerce et à la spéculation montre qu’il est important de construire des alliances plus larges entre ceux qui combattent le système financier international, ceux qui luttent contre la privatisation de la nature, et ceux qui se battent quotidiennement pour leurs territoires et leurs écosystèmes.

– Une alliance large et forte contre l’économie verte est proposée, au moyen de la convocation « En route vers Rio+20 » (38). Elle vise à définir un programme commun pour un ensemble d’organisations et de réseaux non gouvernementaux et de mouvements sociaux, ainsi que des actions de solidarité à l’égard des communautés affectées par des entreprises qui s’emparent de leurs territoires et les dégradent (comme c’est le cas, à Rio de Janeiro, de la CSA, propriété des multinationales Vale et Thyssenkrup), ou qui polluent la mer et portent atteinte aux pêcheurs (comme la société pétrolière Petrobras). Le programme commun prévoit aussi la réalisation d’une Assemblée des Peuples victimes de projets de privatisation et de dégradation, en vue de Rio+20.

– Il faut continuer à lutter avec force pour que les communautés qui dépendent des forêts tropicales et qui les conservent aient des droits sur elles et puissent en assurer le contrôle. Cela équivaut à lutter pour la reconnaissance des droits de ces peuples sur leurs territoires, cette reconnaissance étant encore inexistante ou insuffisante dans beaucoup de pays d’Amérique latine et d’Afrique. Dans des pays qui ont déjà fait beaucoup de progrès, comme le Brésil, la tendance est à réduire les droits des indigènes et des peuples traditionnels, et à s’efforcer de plus en plus de créer un « marché mondial des services écologiques ».

– Nous devons continuer à résister et à dénoncer le capital financier et ses activités spéculatives. Malgré la crise qui touche surtout les plus grandes économies du monde, presque tous les pays continuent à défendre le système et à l’appliquer. Cependant, dans le monde entier se multiplient les critiques et les mobilisations pour réclamer des changements profonds, et surtout pour s’opposer à la prédominance de la spéculation, même dans le domaine de la nature, et à la privatisation croissante de tout ce qui est encore public. Pour cela, il faut continuer à lutter contre cette logique du capital spéculatif, pour que celui-ci ne s’empare pas des domaines essentiels pour l’avenir de l’humanité, comme les forêts tropicales.

Il faut que nous dénoncions tous les aberrations et les contradictions de cette logique, et les effets négatifs concrets qu’elle a sur les territoires. Nous devons appuyer et fortifier la résistance des peuples, pour que soient reconnus leurs droits sur leurs territoires et pour que soit inversé le processus de privatisation de la nature, en garantissant le libre accès des populations qui en ont toujours pris soin tout en l’utilisant.

« Nous sommes heureux dans notre forêt, parce qu’elle nous permet d’obtenir tout ce qu’il nous faut », a dit l’habitante du Congo citée dans cet article. Et cela n’a pas de prix.

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39 - - http://wrm.org.uy/bulletin/173/Rio+20_and_beyond.html