Équateur : la Zone Intangible Tagaeri-Taromenane du Yasuni

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En 1999, un décret présidentiel a donné naissance à ladite Zone Intangible [Zona Intangível] TagaeriTaromenane (ZITT) dans le Parc National Yasuni. Une action significative, qui interdirait pour toujours des opérations extractivistes, y compris l’exploration pétrolière. Selon le décret, les zones intangibles sont des « espaces protégés d’une grande importance culturelle et biologique, où il est interdit de réaliser tout type d’activité d’extraction en raison de leur valeur élevée pour l’Amazonie, l’Équateur, le monde, les générations actuelles et futures ».

La Zone Intangible compte environ 700 000 hectares de la zone sud du Parc, qui équivaut au noyau central du Parc National Yasuni et à une partie du territoire des Tagaeri-Taromenanes, des groupes d’Indiens de la famille des Waoranis ; ils vivent en Amazonie équatorienne, entre les fleuves Yasuni et Curaray, et partagent le territoire avec d’autres groupes waoranis.

Par suite du pic pétrolier des années 1970 et de l’occupation de leur territoire par des blocs pétroliers au cours des vingt dernières années, les Tagaeri-Taromenanes ont choisi l’isolement. Leur visibilité récente est due au recul de la frontière entre l’extraction et leurs zones de refuge. La création de la Zone Intangible, qui paraît être une mesure de protection, a laissé ouverte la question d’une intervention possible dans le reste du Parc. C’est la raison pour laquelle la Zone Intangible est cernée de blocs pétroliers de toutes parts. Il convient d’ajouter que la délimitation de la Zone Intangible ne répond pas à la territorialité exercée par les peuples isolés.

D’un autre côté, la simple installation de pancartes d’avertissement ne suffit pas à empêcher les incursions illégales dans la zone et ne garantit pas la libre circulation des peuples isolés. Le manque de ressources nécessaires à leur subsistance et la contamination environnementale (tous deux provoqués par l’activité pétrolière) oblige chaque fois plus les peuples isolés à chercher de quoi manger dans d’autres zones. En outre, cette pression sur leurs territoires a intensifié les conflits interethniques.

L’une des particularités des peuples Tagaeri et Taromenane du Yasuni est l’agressivité manifestée à plusieurs reprises (depuis le « boom » pétrolier) au monde extérieur, et surtout aux exploitants forestiers qui s’introduisent sur leur territoire. Si l’on enregistre quelques attaques à partir de l’entrée des entreprises pétrolières dans la zone, la situation s’est aggravée au fur et à mesure qu’augmentait la pression provoquée par l’extraction illégale de bois, l’extraction légale de pétrole et l’expansion de la frontière agricole. Les conflits sont liés aux caractéristiques démographiques et idéologiques de leur structure sociale de chasseurs-cueilleurs-horticulteurs, héritée des Waoranis. Historiquement, ces groupes isolés se caractérisent par une relation agressive avec les « non-personnes » (coworis dans la langue wao tededo), et la guerre joue un rôle central pour le maintien de leur identité de groupe et leur territorialité.

Dans ce cadre, il est plus que probable que la présence d’agents externes sur leur territoire occasionne des conflits, des confrontations et des attaques. D’après la dénonciation de l’organisation Acción Ecológica, la délimitation de la Zone Intangible a été élaborée « en complicité avec les grandes transnationales qui possèdent des concessions pétrolières dans la Réserve de la Biosphère Yasuni.

Ces compagnies ont fourni des cartes, des informations, une infrastructure et, finalement, exercé une pression considérable ». Résultat, les limites vont dans le sens des intérêts des compagnies pétrolières et non des pratiques de mobilité et de campement des peuples Tagaeri et Taromenane. Le « surgissement » des peuples en isolement volontaire dans le cadre juridique national est un défi pour l’État. Ces peuples en isolement représentent la limite de l’institutionnalisme étatique et de son cadre juridique, et la dette de l’État par rapport à leurs vies et leur culture est énorme.

Finalement, Acción Ecológica propose que « tout programme de protection des peuples isolés signifie nécessairement l’interdiction de l’extraction de pétrole sur le territoire qu’ils occupent ; cette transition devrait donner lieu à un nouveau modèle économique, à un Équateur post-pétrolier ». Article basé sur : Ecuador : Critican decreto de zona intangible en Pque Nacional Yasuni, Nathalia Bonilla et José Proaño, Acción Ecológica, http://www.rebelion.org/noticia.php?id=44563 ; La geografía imposible de la Zona Intangible Tagaeri Taromenane, article dans Geoyasuni.org, http://www.geoyasuni.org/?page_id=830 ; et informations fournies par Alexandra Almeida, Acción Ecológica, e-mail : yasuni@accionecologica.org