Ouganda : le FSC ne fait pas respecter les droits des populations du mont Elgon

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Depuis 1994, une organisation néerlandaise dénommée Fondation FACE travaille au Parc national du mont Elgon, en collaboration avec le Service ougandais de la Faune (UWA), responsable de la gestion des parcs nationaux du pays. Le projet UWA-FACE prévoit de planter des arbres sur une étendue de 25 000 hectares juste à l’intérieur des limites du parc national. À ce jour, UWA-FACE a planté 8 500 hectares. Selon les termes du contrat avec l’UWA, la fondation FACE est propriétaire du carbone contenu dans les arbres plantés au mont Elgon, et ces arbres ne doivent pas être coupés pendant au moins 99 ans. FACE entend tirer profit de la vente du carbone stocké dans les arbres sous la forme de crédits carbone. D’après Alex Muhwezi, directeur de l’UICN pour l’Ouganda, « FACE obtient un permis pour continuer de polluer et nous devons planter quelques arbres ».

En mars 2002, SGS Qualifor avait certifié que le projet de plantation d’arbres d’UWA-FACE était bien géré selon le système du Forest Stewardship Council. Le certificat s’applique seulement au projet UWA-FACE, et non à la gestion de tout le parc national du mont Elgon. En délivrant ce certificat, la SGS s’est débrouillée pour ignorer presque entièrement le conflit qui existe entre les communautés locales et l’administration du parc.

En juillet 2006, le Mouvement mondial pour les forêts et l’ONG ougandaise ‘Climate and Development Initiatives’ ont rendu visite aux communautés qui habitent autour du mont Elgon. Nous y avons trouvé une situation atroce. Les villageois nous ont dit que l’UWA gérait le parc avec brutalité. En 1993 et 2002, les villageois en ont été expulsés par la violence. Depuis, ils ont été battus, torturés et humiliés par les gardes forestiers, qui les ont menacés et ont arraché leurs cultures.

Dans un village à la frontière du parc, un habitant nous a montré une enveloppe qui contenait des douilles des balles tirées par les gardes forestiers. « Les balles ont été tirées par des gens qui voulaient nous tuer », a-t-il dit. « Quelques personnes sont mortes. D’autres ont été blessées. »

Il serait important de savoir si la SGS peut se limiter à certifier le projet de plantation de la fondation FACE, ou si elle devrait prendre en considération la gestion de tout le parc national. La SGS ne s’est jamais suffisamment penchée sur la question.

Le résumé du rapport de certification, publié en mars 2002, dit qu’on était en train d’intégrer le projet UWA-FACE dans l’UWA et que, « puisqu’il n’est pas permis de certifier une partie seulement d’une Unité d’aménagement forestier », le certificat allait devoir couvrir l’ensemble du Parc national du mont Elgon. La SGS prévoyait que « cette extension de la portée [du certificat] aurait lieu fin 2002 ou en 2003, lorsque l’intégration aura été complétée ».

En mai 2005, la SGS s’est rendue au mont Elgon pour déterminer si le projet de plantation d’arbres de la fondation FACE et de l’UWA était toujours conforme aux normes du FSC. Dans le « rapport d’inspection » rédigé à partir de cette visite, les conseillers de la SGS ont signalé qu’il fallait « préciser quelle est la portée exacte du certificat ». En avril 2006, la SGS a fait une nouvelle visite d’inspection. Cette fois, les inspecteurs n’ont pas mentionnée la portée de la certification.

J’ai demandé à Gerrit Marais, de la SGS, pourquoi la SGS n’avait toujours pas évalué le parc national, plus de quatre ans après avoir écrit qu’il fallait le faire. Marais a répondu que « la SGS avait été engagée par FACE pour certifier la zone de ‘restauration de la forêt’ du Parc national, qui est la seule zone boisée sur laquelle le partenariat FACE-UWA a un contrôle effectif. Le reste du parc dépend uniquement de l’UWA. À moins que le partenariat soit suffisamment intégré... on ne peut pas élargir la portée de la certification ». En fait, la SGS a permis à son client, la fondation FACE, de décider comment appliquer les critères du FSC. La réalité est que la plantation d’arbres de la fondation FACE à l’intérieur des frontières du parc national ne peut pas être séparée de l’aménagement du parc national. Elle fait partie intégrante de la gestion du parc national.

Pourtant, l’erreur la plus monumentale de la SGS concerne la population indigène du mont Elgon et des environs. Le 27 octobre 2005, au tribunal de Mbale, le juge J.B. Katutsi a résolu que « les Benet du département de Benet, ceux de la commune de Yatui et du village de Kabsekek du département de Kween et ceux de la commune de Kwoti du département de Tingey sont les habitants historiques et autochtones des zones en question qui ont été déclarées Zone protégée ou Parc national. » Me Katutsi a résolu qu’il faut déclasser ces zones et que les Benet ont « le droit d’y rester et d’y pratiquer des activités agricoles sans être dérangés ».

Les rapports d’inspection de la SGS ne mentionnent pas cette décision du tribunal. Celui d’avril 2006 parle une seule fois des Benet : « À l’extérieur de l’UAF [unité d’aménagement forestier] la tribu Benet s’est installée à l’intérieur des limites du parc national du mont Elgon. Il faudrait en évaluer la portée... pour connaître l’importance du litige au sujet des frontières ».

Le principe nº 3 du FSC dit que « les droits légaux et coutumiers des peuples indigènes à la propriété, à l’usage et à la gestion de leurs territoires et de leurs ressources doivent être reconnus et respectés ». Dans sa décision d’octobre 2005, la Haute Cour de Mbale a confirmé ce principe. L’UWA, la fondation FACE et la SGS ne l’ont pas encore fait.

Chris Lang, adresse électronique : chrislang@t-online.de, www.chrislang.blogspot.com