Convention de l’ONU sur la diversité biologique : importante décision sur les arbres GM

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La Huitième Conférence des Parties de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique, qui s’est terminée le 31 mars, a pris deux décisions importantes et apparentées : le maintien du moratoire sur la technologie dénommée « terminator » et la recommandation aux pays d’être prudents au sujet de l’utilisation potentielle d’arbres génétiquement modifiés. Les deux questions ont été liées entre elles au cours des délibérations sur l’extension du moratoire sur l’usage de la dangereuse technologie « terminator », qui consiste à modifier génétiquement les plantes pour qu’elles produisent des semences stériles que l’on ne peut pas replanter. Leurs liens sont devenus apparents lorsque l’industrie a argumenté qu’elle avait besoin de la technologie terminator pour pouvoir éviter les problèmes de contamination découlant de la commercialisation des arbres GM.

Ainsi, la campagne pour l’interdiction de terminator (Ban Terminator Campaign) et celle pour la suppression des arbres GM (STOP GE Trees) ont pu travailler ensemble pour expliquer clairement les dangers inhérents aux deux technologies et pourquoi il fallait directement les prohiber.

La CdP-8 a décidé, dès la première semaine de la conférence, de maintenir le moratoire sur Terminator, bien que certains pays, comme le Canada et la Nouvelle-Zélande, aient essayé par la suite, en plusieurs occasions, de revenir sur cet accord. Quant à la décision concernant les arbres génétiquement modifiés, elle a été prise tard dans la dernière soirée de la CdP. Cette décision historique, qui reconnaît pour la première fois les dangers potentiels, d’ordre social et écologique, que comportent les arbres génétiquement modifiés, et qui exhorte les pays à traiter cette technologie avec précaution, contribuera à freiner la course à la commercialisation de tels arbres.

Le texte dit, entre autres : « La Conférence des Parties, reconnaissant les incertitudes sur les effets potentiels, d’ordre environnemental et socio-économique, y compris les effets à long terme et transfrontaliers, des arbres génétiquement modifiés sur la diversité biologique des forêts du monde et sur les moyens de subsistance des communautés autochtones et locales, et prenant en considération l’absence de données fiables et l’incapacité de certains pays d’entreprendre des évaluations des risques et d’estimer ces effets potentiels... recommande aux parties d’adopter une démarche prudente au sujet des arbres génétiquement modifiés » [traduction libre]. La décision recommande aussi d’entreprendre au niveau mondial la compilation d’information sur les implications environnementales et sociales de la commercialisation des arbres GM, avec la participation des organisations pertinentes et celle des communautés indigènes et locales.

Le fait que la CDB ait pu prendre une attitude si ferme contre les arbres GM à la première occasion où ce thème a été introduit et malgré les pressions exercées dans les coulisses par les États-Unis et les industriels, montre bien que les menaces spécifiques et considérables que posent les arbres génétiquement modifiés soulèvent de fortes inquiétudes. Ricardo Carrere, du World Rainforest Movement, résume ainsi ces inquiétudes : « Les arbres GM représentent l’un des dangers les plus graves qui planent sur les forêts où réside la plupart de la diversité biologique terrestre de la planète. La commercialisation des arbres GM contaminera inéluctablement et de manière irréversible les écosystèmes forestiers et détruira la diversité biologique. »

Pendant la première série de discussions du Groupe de travail sur la diversité biologique des forêts de la CdP-8, où figurait la question des arbres GM, dix pays ont demandé de stopper l’introduction de ces arbres dans l’environnement, l’Iran d’abord, et ensuite le Ghana, le Malawi, l’Équateur, les Philippines, le Sénégal, la Norvège, Madagascar, l’Égypte et le Rwanda. Leur demande a été reprise par le Forum indigène international sur la diversité biologique, Greenpeace, le Caucus des femmes et la Fédération de chercheurs allemands. Au cours des discussions subséquentes, le Liberia a fortement contribué à étayer la décision de la CdP-8.

Il s’agit d’un progrès important pour la campagne mondiale contre les arbres GM. Des entreprises comme Arborgen sont en train d’avancer rapidement vers la commercialisation de ces arbres au Brésil, au Chili, en Inde et en Afrique du Sud. La décision de la CdP-8 renforcera l’influence politique des organisations opposées au développement de la plantation d’arbres GM dans les pays membres de la CDB. De même, elle contribuera à faire avancer la campagne STOP GE Trees aux États-Unis. En effet, bien que les États-Unis ne fassent pas partie de la CDB, le risque que certains endroits ne soient plus disponibles pour les plantations futures (et les profits futurs) va jeter un froid sur l’industrie et contribuer à freiner la coûteuse recherche dans ce domaine. Par exemple, Arborgen considère le Brésil comme son « emplacement géographique le plus important ». Si les mouvements brésiliens réussissent à enrayer l’expansion des monocultures d’arbres, y compris les plantations futures d’arbres GM, Arborgen risque d’avoir des difficultés à trouver du financement pour continuer les recherches actuelles sur un produit à l’avenir incertain.

La généticienne Ricarda Steinbrecher, de la Fédération de chercheurs allemands, résume ainsi la situation : « cette conclusion de la CDB, qui recommande d’approcher avec précaution la question des arbres GM, est un premier pas vers la reconnaissance des dangers que comportent ces arbres. Elle aidera les ONG et les scientifiques à alerter d’urgence toutes les nations quant à l’insuffisance de données scientifiques sur les implications des arbres GM. Cela représente un danger pour les forêts et pour les populations autochtones et locales du monde entier ; il est donc essentiel d’empêcher toute commercialisation de ces arbres, au moins jusqu’au moment où l’on disposera des informations et des évaluations nécessaires. »

Anne Petermann, STOP GE Trees Campaign, Global Justice Ecology Project, adresse électronique : globalecology@gmavt.net