Faudra-t-il ajouter aux méfaits du pollen massivement dégagé par les plantations de pins les conséquences de son origine transgénique ?

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La pollinisation des végétaux se fait de plusieurs manières. Dans certains cas, le pollen est transporté par les abeilles, les papillons, les oiseaux-mouches et les chauves-souris. Dans d’autres cas, c’est le vent qui s’en charge, lorsque les plantes ont leurs cellules reproductrices dans des fleurs sans couverture, à nu. C’est ce qui arrive chez les conifères, par exemple le pin. Pour que la fécondation soit efficace, ces arbres produisent une énorme quantité de pollen que le vent emporte et distribue, en le passant d’une plante à l’autre sur de longues distances.

Le pollen peut provoquer diverses réactions chez les personnes allergiques : la conjonctivite, la rhinite, l’asthme et des malaises d’ordre général. Des symptômes tels que l’irritation et les sécrétions aqueuses des yeux et du nez annoncent l’arrivée du printemps, parce qu’ils se présentent en général lorsque les muqueuses entrent en contact avec le pollen transporté par le vent. La rhinite allergique saisonnière (que l’on appelle aussi le rhume des foins) atteint un habitant sur six du monde industrialisé.

Bien que le pollen du pin soit considéré comme très peu allergène, à l’époque de la pollinisation il s’en répand des volumes très élevés. De surcroît, lors d’une étude menée sur le pollen du Pinus radiata, lequel est très abondant dans l’atmosphère en Nouvelle-Zélande, on a trouvé qu’il contenait des protéines allergéniques et on a constaté l’existence de réactions croisées avec le pollen d’une graminée (Lolium perenne). D’autres auteurs ont découvert ces derniers temps une forte augmentation du potentiel allergène de ce pollen en raison de la pollution de l’air.

En outre, l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone associée au réchauffement de l’atmosphère terrestre pourrait augmenter à son tour l’incidence des allergies. Les chercheurs affirment que, dans une atmosphère où le taux de dioxyde de carbone sera le double de l’actuel, la production de pollen augmentera de 61%.

A ce scénario viennent s’ajouter deux facteurs qui aggravent encore le problème : les plantations de pins à grande échelle et le projet de les transformer, de surcroît, en plantations de pins transgéniques.

Dans le cas des monocultures industrielles de pins, on peut dire que le phénomène de la pollinisation augmente de manière exponentielle. Au Chili, par exemple, la superficie couverte de pins dépasse le million et demi d’hectares. Il n’est pas difficile d’imaginer les nuages de pollen que dégage une telle quantité d’arbres de la même espèce, généralement plantés les uns à côté des autres sur des étendues gigantesques. Les voisins de la communauté Lumaco, dans la commune de Traiguén, IXe Région, en témoignent : « en octobre, le pollen des pins jaunit toute la campagne. Des problèmes de santé apparaissent. Le potager en est couvert et il faut arroser les feuilles des plantes pour qu’elles puissent survivre ». « [...] personne ne savait vraiment ce qui se passait avec le pollen du pin. Il nous fait peut-être du mal. Nous entendons parler de la pollution, on nous dit comment doit être l’eau pour qu’on puisse la boire, mais au bout du compte on boit ce qu’on a, c’est tout. » Même la presse a rapporté l’année dernière le phénomène de la « pluie jaune », une couche de poussière d’un jaune verdâtre qui a recouvert les rues, les trottoirs et les voitures, et qui s’est avéré être du pollen de pin.

Il en est arrivé de même au Japon, où l’on instaura en 1950 une politique de plantation de presque une seule espèce de conifère de croissance rapide (Cryptomeria japonica). Il y a deux ans, ces plantations comprenaient 10 millions d’hectares. A présent, un nuage de pollen s’abat chaque printemps sur le Japon, qui provoque des allergies à un habitant sur six. En dix années, la population affectée à Tokio est passée de 7% à 20% (voir bulletin nº 60 du WRM).

D’autre part, en ce qui concerne la manipulation génétique de variétés végétales, il y a eu des indices vérifiés que le pollen du maïs transgénique pourrait avoir provoqué des cas d’allergie. En juillet 2003, à Mindanao, dans la région sud des Philippines, plusieurs personnes de la population rurale habitant à proximité d’une plantation de maïs transgénique Bt (manipulé pour qu’il produise la toxine contre le Bacillus turingensis) ont eu des épisodes de fièvre, maux de tête, nausées, troubles respiratoires et intestinaux, affaiblissement général et affections de la peau. Cette situation ayant coïncidé avec la période de floraison du maïs transgénique et s’étant prolongée pendant plusieurs semaines, le Centre d’Action sociale a demandé l’aide de diverses organisations et ONG locales, telles que Searice et Masipag, pour essayer d’identifier la cause des symptômes et chercher une solution.

Le Directeur de l’Institut norvégien d’Écologie génétique, Dr. Terje Traavik, a fait alors des analyses de sang et assuré le suivi de l’affaire. Traavik a manifesté que les anticorps présents dans le sang démontraient que les personnes affectées avaient été exposées à la toxine Bt au cours des mois précédents. Les analyses de sang indiquaient donc que les symptômes étaient la conséquence de l’inhalation du pollen du maïs modifié.

Une simple extrapolation dictée par le bon sens et la prudence porte à se demander ce qui se passerait si, aux troubles déjà problématiques du pollen « en masse » des plantations commerciales de conifères, il fallait ajouter ceux du pollen transgénique de pins manipulés à des fins exclusivement commerciales. L’incertitude et les risques associés à ces effets possibles ne sont-ils pas une raison de plus de dire catégoriquement NON aux arbres transgéniques ?

Article rédigé à partir d’informations tirées de : témoignages recueillis par Ricardo Carrere en juin 2004 au cours d’un voyage dans la IXe Région du Chili, commune de Traiguén, communauté de Lumaco ; “Preliminary Results of Study Show Immunological Reaction to Bt Toxin”, Gentech-news 91, http://www.blauen-institut.ch/Tx/tM/tm_nov/tm0913.html ; “La invasión de las plantaciones forestales en Chile”, José Araya Cornejo, Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales, http://www.wrm.org.uy/paises/Chile/invasion.pdf; “’Lluvia amarilla’ es polen de pino”, http://www.australtemuco.cl/site/edic/20030819023407/pags/20030819025615.html ; “Pinos”, http://www.uma.es/Estudios/Departamentos/BiolVeg/02Aer/00HAer/PolPin.html ; “La producción de polen crecerá significativamente en 50 años”, http://www.diariomedico.com/edicion/noticia/0,2458,129561,00.html.