Panama : les Naso menacés par un projet de barrage

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Les Naso (que l’on appelle aussi les Teribe) furent parmi les premiers groupes à s’établir dans le territoire de Panama. A la suite de plusieurs expéditions armées européennes, le nombre des Naso diminua considérablement, au point qu’au dix-neuvième siècle il n’en restait que moins de deux mille. A l’heure actuelle, les Naso sont environ 4 000 et vivent, dans des conditions assez mauvaises, des deux côtés de la frontière entre le Costa Rica et le Panama. Au Panama ils habitent dans la province de Bocas del Toro, dans les forêts du Nord-Ouest qui bordent le fleuve Teribe, un grand tributaire du Changuinola.

La culture des Naso est aujourd’hui en grand danger et sur le point de disparaître, en raison de l’accélération, au cours des vingt dernières années, de l’occidentalisation et de la pression pour leur intégration à l’économie mondiale. Or, une menace supplémentaire vient maintenant conspirer contre la survie de leur identité culturelle.

Dès le début des années 70, le gouvernement avait autorisé la réalisation de plusieurs études de faisabilité destinées à recueillir des informations sur le potentiel du fleuve Teribe et de ses tributaires pour la production d’énergie hydroélectrique. Leur résultat fut la proposition de commencer la construction de deux barrages, l’un dans le cours supérieur du Teribe et l’autre sur l’un de ses affluents, le Bonyic.

Apparemment, le gouvernement décida d’ajourner le projet. Mais presque trois décennies plus tard, un petit groupe d’investisseurs relancèrent le processus en demandant une évaluation d’impact environnemental (EIE) et la concession nécessaire pour l’exécution du projet. En 1998, l’autorité environnementale nationale approuva l’EIE et une concession sur l’eau pour une période de 50 ans. Le groupe obtint également de l’organisme régulateur des services publics une concession pour la génération d’énergie, celle-ci aussi pour une période de 50 ans. Cependant, la législation panaméenne sur l’environnement n’était pas à l’époque aussi stricte qu’aujourd’hui. Suivant le nouveau cadre juridique, tout projet susceptible d’avoir des impacts significatifs sur l’environnement exige la participation des citoyens. Or, cette participation n’avait pas eu lieu.

La communauté n’était pas bien informée sur le projet, et les Naso avaient de nombreux doutes sur la manière dont leurs autorités traditionnelles (le roi et son conseil) menaient les négociations, à tel point qu’en 1998 ils les forcèrent de partir et élirent un nouveau roi et un nouveau conseil. A la suite de négociations récentes entre la compagnie, les représentants des Naso et quelques ONG panaméennes, l’entreprise a accepté d’entreprendre une nouvelle EIE qui respecte les normes légales actuelles.

L’usine hydroélectrique Bonyic appartient à l’heure actuelle à une société dénommée Hidro Ecológica del Teribe S.A., dont le partenaire principal est une compagnie colombienne, Empresas Públicas de Medellín. Il est prévu qu’elle commence à fonctionner durant la deuxième moitié de l’année 2006, et le coût d’ensemble du projet sera d’environ 60 millions de dollars, pour un réservoir de 800 000 mètres cubes et un barrage haut de 30 mètres et large de 135 mètres.

Les impacts des barrages hydroélectriques antérieurs ont montré à quel point ces projets sont nuisibles, autant pour l’environnement que pour la population locale. Ce fut le cas du barrage hydroélectrique de la région de Bayano, dans l’Est du Panama, qui inonda des milliers d’acres de terres fertiles habitées par des communautés autochtones.

Si le barrage prévu est construit, l’environnement et la culture qui existent dans le territoire des Naso seront profondément modifiés. La nouvelle autoroute qui reliera au barrage le village de Changuinola favorisera l’émigration des Naso et l’arrivée de colons, et augmentera la déforestation. Cette déforestation provoquera la dévastation d’une terre intacte et riche que les Naso ont habitée pendant des siècles. La perte de l’habitat, jointe à la diminution de la qualité de l’air et de l’eau et au décroissement des populations d’animaux, aura des conséquences graves sur le mode de vie et sur la santé des Naso. Ce sera d’ailleurs une grande menace pour la Réserve internationale de biosphère « La Amistad », qui se trouve à proximité. La réapparition de maladies telles que la malaria, la fièvre jaune, la dengue, etc., sans compter l’apparition de maladies inconnues, est un autre danger que les promoteurs du projet n’ont pas pris en considération.

Pour la civilisation Naso, la réalisation de ce projet pourrait être le début de la fin.

Il est évident que les Naso ont besoin de beaucoup plus d’information à ce sujet. C’est pourquoi l’ONG panaméenne « Alianza para la Conservación y el Desarrollo » (Alliance pour la conservation et le développement) essaie de contacter toutes leurs communautés avant qu’une nouvelle EIE – en application de la loi actuelle – soit effectuée. L’objectif est de les mettre au courant de tous les impacts négatifs potentiels du barrage, sur l’environnement et sur leur culture, avant qu’il ne soit trop tard.

Plusieurs personnes qui s’intéressent au problème essaient de leur côté de diffuser des renseignements et de sensibiliser à ce sujet un public aussi large que possible. « Il est important d’éviter qu’un autre groupe autochtone ne soit abusé en profitant du manque de diffusion de l’information. Nous exhortons les gens et les organisations à se joindre à nous dans cette nouvelle lutte que nous entreprenons pour sauver la terre, l’environnement, la vie et surtout les droits de ces personnes, leur droit de vivre suivant leurs croyances et d’être maîtres de leur destinée », disent-elles.

Pour plus d’information ou pour connaître les manières de participer, contactez Rachel Cohn : rcohn@oberlin.edu , ou Ruben Gonzalez : Ruben.Gonzalez@worldlearning.org

Article basé sur des informations tirées de : « The Naso People and their Struggle », envoyé par Rachel Cohn.