Changement climatique : retour à la case départ

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Le monde a une Convention sur le changement climatique depuis 1992. La signature et la ratification de cette convention impliquent des obligations, autant légales que morales. La plupart des gouvernements l’ont déjà ratifiée. Et pourtant, après tant d’années ils ont très peu de chose à montrer, à part les tonnes de papier issues de négociations sans fin.

La 9e Conférence des Parties (COP-9) vient de se terminer à Milan, une fois de plus sans avoir réussi à réunir les signatures nécessaires pour mettre en vigueur le Protocole de Kyoto. Six ans après sa naissance, ce protocole destiné à limiter les émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés attend toujours les signatures des États-Unis (le plus grand pollueur du monde) et de la Russie.

Où en sommes nous donc ? Est-il impossible de faire quelque chose de sérieux tant que ces gouvernements cyniques n’auront pas signé ? Faut-il vraiment concentrer tous les efforts de mobilisation à obtenir qu’ils le fassent ?

Tout semble indiquer qu’il est grand temps de commencer à regarder au-delà et au-dehors du Protocole de Kyoto. En fin de compte, tout le monde sait qu’il faut bien plus que ce traité dilué, qui ne parviendrait même pas à faire baisser les émissions et qui autorise des solutions aussi ineptes que la plantation d’arbres comme puits de carbone, qui aggraveraient la situation de l’environnement sans pour autant résoudre le problème du changement climatique.

Il est temps que les organisations de la société civile et les gouvernements tirent des leçons de ces onze années de quasi-inaction, et qu’ils s’écartent des approches officielles générales du changement climatique. Il faut relire le texte originel de la Convention sur le changement climatique, et commencer à l’appliquer. Il faut retourner aux sources pour assurer l’avenir de l’humanité. Il faut laisser tomber le jeu du marché du carbone, tant que des mesures réelles n’auront pas été prises à l’égard du climat.

Bien entendu, il reste indispensable d’adopter un instrument légalement contraignant qui garantisse le respect des obligations à l’égard du climat. Mais bien d’autres choses peuvent être faites dès maintenant, dans tous les pays du monde, pour s’attaquer à ce problème, qui permettraient en même temps d’améliorer les conditions de vie des communautés locales.

Il faut commencer par reconnaître que développement n’est pas synonyme de croissance, et que croissance n’est pas synonyme d’accroissement des émissions. Il faut que nous comprenions que la route du développement du Nord mène à la catastrophe environnementale et sociale, et que le changement climatique en fait partie. Le Sud ne doit pas s’engager sur cette voie mais chercher des moyens alternatifs d’atteindre le bien-être social et la préservation de l’environnement. Le faire impliquerait de réduire considérablement les émissions de carbone prévues, qui sont calculées à l’heure actuelle sur la base du modèle de développement dominant.

La déforestation non seulement n’est pas indispensable, mais elle est tragique pour les peuples qui habitent les forêts ou qui en dépendent pour leur survie. Le Sud a tout intérêt à conserver et à restaurer ses forêts qui aujourd’hui sont détruites au profit d’élites nationales et transnationales. Si la déforestation était évitée le climat s’en bénéficierait grandement (car le carbone stocké dans les arbres ne serait pas libéré), et les communautés locales en profiteraient aussi. Ce résultat peut être atteint au moyen de politiques nationales, qui vont de la réforme agraire à la reconnaissance des droits territoriaux des peuples autochtones.

L’exploitation dans les tropiques du pétrole, du charbon et du gaz a eu de graves conséquences sur l’environnement et la société, sans pour autant apporter la prospérité promise aux pays où ces combustibles fossiles sont extraits. Le carbone stocké dans les hydrocarbures est la principale source de gaz à effet de serre. Un moratoire sur de nouvelles explorations serait un bon premier pas pour éviter le changement climatique. Si un petit pays comme le Costa Rica a été capable d’interdire l’exploitation pétrolière, d’autres peuvent en faire de même. L’utilisation d’énergies propres, renouvelables et de faible impact, surtout dans l’industrie et les transports, serait sans doute bien accueillie par les millions de personnes qui habitent des villes du Sud fortement polluées.

Il est évident que le Nord a la capacité de faire bien davantage, et il en a d’ailleurs l’obligation, puisque que sa richesse matérielle présente et passée est fondée sur l’exploitation abusive des peuples et des ressources de la planète, y compris l’utilisation immodérée de l’atmosphère qui a donné lieu au problème actuel du changement climatique.

Parmi de nombreuses autres choses, le Nord doit employer ses ressources scientifiques, technologiques et financières à modifier la matrice énergétique de ses propres pays, pour abandonner leur dépendance des hydrocarbures au profit de sources d’énergie propres, renouvelables et de faible impact. Les moyens sont là ; il ne manque que la volonté politique, mais celle-ci peut être obtenue par une plus forte participation de la société civile dans ce domaine. Les forces qui empêchent ce changement étant puissantes, avec l’industrie pétrolière en tête, il faut une opposition également forte pour tourner la barre dans la direction requise.

Il y a beaucoup de choses qu’on pourrait et devrait faire, et ce qui précède n’en donne que quelques exemples. Les gens devraient commencer à demander à leurs gouvernements pourquoi les mesures nécessaires ne sont pas mises en oeuvre. Pourquoi en sommes-nous au même niveau de 1992, lorsque le problème a été formellement posé et des mesures accordées ? Pourquoi les gouvernements continuent-ils à jouer avec l’avenir de nos enfants ? Il est bon de rappeler à cet égard les paroles d’un leader religieux de l’Inde qui, lors de la Conférence des Parties précédente, tenue à New Delhi, a demandé aux délégués présents : « Qui croyez-vous tromper ? Vous trompez vos enfants ; vous trompez vos petits-enfants.