Thaïlande: une entreprise certifiée enfreint les principes du FSC

Image
WRM default image

Deux plantations gérées par l'Organisation forestière industrielle de la Thaïlande (FIO en anglais) bénéficient actuellement de certificats de bonne gestion dans le cadre du système Forest Stewardship Council (cf. Bulletins 48 et 64 du WRM).

Lorsqu'en juillet 2001 l'entreprise de certification SmartWood a délivré aux plantations de la FIO, à Thong Pha Phum et Kao Khra Yang, les certificats en question, elle a également fixé 26 conditions que l'organisation mentionnée devait remplir pour que ces certificats soient maintenus. L'année suivante, l'équipe d'inspection de SmartWood a trouvé que la FIO n'avait pas rempli cinq de ces conditions, et que sept autres n'avaient été que " partiellement remplies ". Pourtant, au lieu de révoquer les certificats, SmartWood a présenté 13 " demandes d'actions correctives " (DAC), dont six devaient être appliquées dans un délai maximum de six mois.

En janvier 2003, l'équipe d'inspection de SmartWood est revenue sur les lieux. Cette fois, les inspecteurs ont trouvé que la FIO avait appliqué deux des DAC, mais n'avait que " partiellement rempli " les quatre autres. SmartWood a donc soumis six nouvelles DAC pour leur " application immédiate ". Le rapport d'inspection de SmartWood établit que " Si [la FIO] ne réussit pas à lever les DAC présentées, le certificat sera suspendu jusqu'au moment où la FIO pourra démontrer qu'elle s'y est conformée ".

Jeff Hayward, directeur régional de SmartWood pour l'Asie et le Pacifique, a expliqué que l'équipe d'inspection de SmartWood s'est rendue en Thaïlande, au mois de juin, pour vérifier si la FIO a appliqué la dernière série de DAC présentées. Par la suite, l'équipe rédigera fin juillet un rapport préliminaire à l'intention de SmartWood, lequel sera ensuite adressé à la FIO pour commentaire. Un résumé de ce rapport sera rendu public " espérons que vers la mi-août 2003 ", d'après Hayward. " Nous allons également préciser si nous avons suspendu ou annulé le certificat ", a-t-il ajouté.

Mais rien ne semble indiquer que SmartWood aille suspendre ou annuler le certificat en question, et il est également douteux que le FSC essaye d'influencer SmartWood dans ce sens.

Au cours de sa visite dans la plantation de Thong Pha Phum au mois de janvier, l'équipe d'inspection de SmartWood a trouvé qu'un garçon de 14 ans y travaillait. Or, il s'agit là d'une violation de la Loi de protection des travailleurs de la Thaïlande, qui établit que les patrons ne doivent pas employer des enfants de moins de 15 ans. C'est également une infraction des Principes et Critères du FSC. Mais le sommaire publié par SmartWood se borne à indiquer avec flegme : " Le travail informel, sans les détails nécessaires d'identification et d'âge officiel, d'un individu plus jeune serait contraire à la politique de la FIO et aux conventions de l'OIT ".

Au lieu de retirer le certificat, SmartWood a émis une demande d'action corrective établissant que la FIO devait " mettre un terme à l'embauche de toute personne au-dessous de l'âge de 15 ans ".

Pendant que SmartWood procédait à l'inspection de la FIO, l'unité du FSC chargée des entreprises de certification était elle aussi en Thaïlande, pour superviser les certifications de SmartWood. Ces inspecteurs ont trouvé que SmartWood avait enfreint plusieurs normes du FSC.

En conséquence, le FSC a émis six " demandes d'action corrective " mineures, et cinq majeures, qui devront être appliquées " en temps opportun ", d'après Hubert de Bonafos, représentant du département des certifications.

Le FSC a confirmé que le sommaire publié par SmartWood à propos de la FIO révèle " plusieurs manquements significatifs de la FIO à l'égard des Principes et Critères du FSC ". Autrement dit, SmartWood a délivré des certificats à la FIO malgré le fait que la conduite de ses deux plantations ne respecte pas les principes du FSC.

L'inspection du FSC a également confirmé que SmartWood a effectué cette certification à partir d'une évaluation effectuée suivant des directives non conformes aux normes du FSC. En effet, pour pouvoir procéder à une évaluation dans un pays ne possédant pas de normes nationales de gestion forestière reconnues par le FSC, l'entreprise de certification est censée mettre en place des " normes transitoires ".

Le FSC a donc demandé à SmartWood d'établir des normes transitoires " par un processus approprié de consultation des parties intéressées ". Ainsi, en mai 2003, presque deux ans après avoir délivré le certificat à la FIO, SmartWood a présenté les " normes transitoires " pour la Thaïlande.

Il est pourtant difficile de comprendre comment le FSC a pu considérer comme " appropriée " la consultation qui a été effectuée. En effet, tandis qu'Hubert de Bonafos, du FSC, déclare que SmartWood a déjà traduit ses normes transitoires pour la Thaïlande " dans la langue officielle ", Jeff Hayward, de SmartWood, dit qu'ils sont " en train de faire traduire ce document en thaï ". Apparemment, autant pour le FSC que pour SmartWood les " parties intéressées " étaient censées commenter un document de 21 pages rédigé en une langue étrangère. Hayward a confirmé que " les apports ont été plutôt limités ".

Les normes transitoires de SmartWood pour la Thaïlande sont très semblables à ses Directives générales pour l'évaluation de la gestion forestière. La section concernant les peuples indigènes (Principe 3 du FSC) est mot par mot identique à la section correspondante des directives mentionnées, et ne tient pas compte de certains problèmes importants des peuples indigènes thaïlandais, par exemple que l'Etat ne reconnaît pas beaucoup d'entre eux comme citoyens.

En mai 2003 Veerawat Dheeraprasert, de l'ONG thaïlandaise Fondation pour la récupération écologique, a adressé une lettre au FSC pour expliquer que la FIO viole l'interdiction d'extraction en vigueur depuis 1989, ainsi que la Constitution de 1997 de la Thaïlande. " Le rapport de SmartWood contient des erreurs et des omissions qui montrent les nombreux problèmes qui existent autour de la certification par cette entreprise des deux zones de plantation de teck ", a-t-il écrit. Veerawat conclut sa lettre en demandant que " le FSC annule immédiatement la certification de la FIO pour les deux plantations, dans le but d'éviter que cette compagnie continue à détruire l'écosystème, la culture, l'économie et les moyens de subsistance dans la région ".

Deux semaines plus tard, le représentant du FSC Hubert de Bonafos a répondu à Veerawat. A la demande de Veerawat d'annuler le certificat, de Bonafos a répondu en le remerciant, lui et son organisation, de leur " contribution positive au processus de supervision du FSC ".

Par: Chris Lang, adresse électronique : chrislang@t-online.de