Équateur : le parc Yasuní, le pétrole et la résistance des autochtones

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Le parc national Yasuní, considéré comme refuge du pléistocène et déclaré réserve de biosphère par l’UNESCO en 1989, couvre une superficie de 982 000 hectares et s’étend dans les bassins des fleuves Yasuní, Cononaco, Nashiño et Tiputini. Ses forêts sont le foyer du plus grand nombre d’essences d’arbres à l’hectare du monde, et de nombreuses espèces d’animaux. La nationalité autochtone Huaorani et quelques groupes non contactés, tels que les Tagaeri et les Taromenane, habitent à l’intérieur de ce parc. Pour toutes ces raisons, le parc Yasuní est considéré comme l’un des plus emblématiques du pays.

Pourtant, environ 60 % du parc national Yasuní ont été livrés à des entreprises pétrolières transnationales sous forme de concessions, en lots de 200 000 hectares. La politique nationale en matière de pétrole, dont le centre est la construction de l’oléoduc de pétrole brut lourd (voir bulletin nº 50 du WRM), exige d’élargir la frontière pétrolière à de nouvelles régions et de redoubler les activités dans les forêts déjà exploitées, parmi lesquelles figure le parc national Yasuní.

Toutes ces activités ont eu des effets très graves sur le peuple ancestral Huaorani, car elles ont interrompu et perturbé leur vie communautaire, et provoqué des problèmes d’ordre social tels que l’augmentation de la violence, l’alcoolisme, le harcèlement sexuel des femmes, la prostitution, la désintégration familiale, l’insécurité, les problèmes de travail, les conflits provoqués par le paiement de compensations aux personnes affectées, la répression exercée par les entreprises pétrolières pour faire plier les populations. Les diverses stratégies employées par les fonctionnaires des entreprises pétrolières pour obtenir l’autorisation d’entrer dans les communautés, qui vont des mensonges, promesses et menaces au discrédit des dirigeants, aux tentatives de corruption, à la division des communautés ou des organisations, se soldent elles aussi par une dégradation de la vie communautaire.

Parmi les impacts sur la santé on peut mentionner la contagion de maladies nouvelles (hépatite B et C, syphilis) et les effets de la contamination ; cette dernière implique aussi la mort des animaux domestiques qui boivent l’eau contaminée ou qui subissent des accidents dans les installations pétrolières, la perte de récoltes, fermes et potagers à cause de l’augmentation de la salinité du sol autour des puits et des stations et par suite de l’écoulement d’eau polluée dans les fleuves, les marais, les lacs et l’eau souterraine (voir bulletin nº 86 du WRM).

Dans ces circonstances, le Conseil de Gouvernement de la Nationalité Huaorani de l’Amazonie équatorienne (Onhae) vient de décider de rompre toute relation d’amitié avec l’entreprise brésilienne Petrobras, de dénoncer un accord passé avec elle par l’ancienne direction d’Onhae, et d’empêcher l’entreprise d’entrer dans le parc national Yasuní pour commencer à travailler dans le Bloc 31.

L’accord en question prévoyait le financement de travaux d’infrastructure dans les villages, des mesures d’assistance sociale et le soutien à la création d’une entreprise d’avionnettes dénommée Projet aérien Minta. Les dirigeants actuels ont dénoncé que rien n’avait été fait à ce jour.

À cela s’ajoutent les pressions des communautés de base de cette Nationalité, celles des femmes en particulier, qui ont poussé l’organisation à prendre la décision mentionnée.

Alicia Cahuiya, présidente de l’Association de Femmes Huaorani (AMWAE, d’après les sigles en langue huao), a dit que son organisation s’oppose à l’activité pétrolière dans le parc national Yasuní parce que les femmes huaorani veulent conserver pour leurs enfants un territoire sans contamination. Elles ne souhaitent pas que leurs fermes, où elles plantent le yucca, le bananier et d’autres produits qui sont les seules nourritures quotidiennes de la population, soient contaminées par le pétrole. Ce sont les activités pétrolières qui contaminent l’eau des fleuves dont les habitants se servent, mais ni l’État ni les entreprises ne s’occupent du problème.

Cahuiya a critiqué la décision de l’ancien conseil de gouvernement huaorani de signer un accord avec l’entreprise brésilienne Petrobras pour l’exploitation du Bloc 31 sans avoir consulté au préalable les communautés de base. L’AMWAE s’oppose aussi à la construction d’une route de 35 km au bord du fleuve Napo, car elle provoquera davantage de déboisement, la disparition d’animaux de la forêt et l’introduction de coutumes étrangères à la culture indigène, comme l’alcoolisme et la prostitution.

Le président de l’Onhae, Juan Enomenga, a annoncé qu’il n’y aura pas de marche arrière dans la décision de rompre toute relation avec l’entreprise, et il a réclamé une révision totale des accords passés avec les transnationales.

De leur côté, les Kichwas de la province amazonienne d’Orellana, qui mettent en question la réalisation des études environnementales et les rapports de Petrobras avec les communautés, ont annoncé qu’ils appuieront les actions des Huaoranis contre la société pétrolière.

Article fondé sur des informations tirées de : “Los huaorani rompen los acuerdos con Petrobras”, rédigé par Tena, juillet 2005, http://www.elcomercio.com/noticias.asp?noid=134012 ; “Los kichwas están en contra de la acción de Petrobras”, rédigé par Orellana, juillet 2005, http://www.elcomercio.com/noticias.asp?noid=134240, envoyés par Elizabeth Bravo, Acción Ecológica, adresse électronique: ebravo@hoy.net ; “Parque Yasuní”, Acción Ecológica, http://www.accionecologica.org/webae/index.php?option= com_content&task=view&id=20&Itemide=39