Indonésie : en affaires avec le MDP

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Le Mécanisme de développement propre (MDP) du Protocole de Kyoto, issu de la Convention cadre des Nations unies sur le changement climatique, risque d’être tout à fait inutile pour ce qui est de l’évolution du climat, mais il pourrait être une bonne affaire pour certains. En effet, il suppose que les compagnies qui investissent dans des projets qui arrêtent ou réduisent les émissions dans un pays du Sud recevront en retour des réductions d’émission certifiées (REC) que les pays industrialisés pourront faire valoir pour tenir les engagements figurant dans le Protocole de Kyoto.

Les autorités nationales indonésiennes et même une ONG (Pelangi) désirent vivement obtenir de l’argent de la « vente » de bonne gestion forestière et d’usines électriques géothermiques, ce qui apparemment rapporterait au pays environ 500 millions de dollars US. En application des termes de ce marché, l’acheteur serait autorisé à maintenir ses taux d’émissions de gaz à effet de serre, et cela serait « compensé » par la réduction effectuée en Indonésie.

Les gens raisonnables auront du mal à comprendre pourquoi une compagnie du Nord obtient le droit de polluer un pays en payant un autre pays pour qu’il fasse ce qu’il aurait fait de toutes façons, c’est à dire gérer ses forêts correctement et utiliser des sources d’énergie propres. D’ailleurs, l’affaire est trompeuse dans son ensemble, car par le truchement de la « bonne gestion forestière » ce sont des programmes d’afforestation et de reboisement que l’on introduit. L’afforestation est une activité directe qui consiste à transformer des aires non forestières en plantations d’arbres, tandis que le reboisement implique la plantation d’arbres dans des zones qui étaient à l’origine arborées. Cela équivaut en fait à ouvrir les portes aux monocultures d’arbres à grande échelle, lesquelles sont habituellement implantées aux dépens des terres forestières et/ou agricoles des gens des lieux, comme les Indonésiens le savent déjà.

Ce n’est donc pas étonnant que le directeur de Pelangi, Agus P. Sari, ait manifesté à la presse qu’il reconnaissait la possibilité d’un conflit entre les résidents et les autorités locales lorsque ces dernières changeraient l’affectation actuelle des terres pour les inclure dans des projets de plantation. Les gens connaissent très bien les conséquences nocives des plantations sur leurs moyens de subsistance.

L’Indonésie est un pays ravagé par des projets destructeurs autant pour l’environnement que pour la société, tels que les usines de pâte et de papier qui polluent et dévastent les forêts (UPM Kymmene, APRIL, Indorayon), les monocultures d’arbres qui remplacent des forêts et des terres agricoles (palmier à huile, acacia, eucalyptus), ou l’industrie minière destructrice (PT Kem, PT Freeport, les mines d’or d’Irian Jaya). Avant d’essayer de vendre ses « réductions d’émissions », le gouvernement devrait essayer de mettre de l’ordre dans son ménage et d’écouter les réclamations de son propre peuple au sujet d’un développement durable et équitable. Par là même, on aboutirait à des réductions véritables des émissions de gaz à effet de serre.

Le même raisonnement est applicable aux acheteurs potentiels des soi-disant « réductions d’émissions ». Ce qu’ils devraient faire c’est réduire les émissions dans le pays où ils fonctionnent, par où ils offriraient aux gens un environnement plus propre, tout en s’attaquant au problème du changement climatique.

Mais les affaires sont les affaires, et le Mécanisme de développement propre n’a évidemment rien à voir avec le développement propre, et tout à voir avec l’argent. Ni le climat, ni le peuple indonésien, ni les compatriotes des acheteurs ne gagneront rien dans cette affaire. L’argent va sûrement disparaître dans les poches du pouvoir. Est-ce que quelqu’un aurait changé la définition de « développement durable » ?

Article fondé sur des informations tirées de : « RI may annually earn $500m from carbon trade », Moch. N. Kurniawan, The Jakarta Post, Jakarta, 28 mai 2003, sur le site : http://www.angelfire.com/nt2/fipa/FIPA/News%20&%20Events/INCL%206-22a%201%20June%202003.htm#RI may ; « Indonesia to ‘sell’ carbon emissions », Jakarta Post, 8 septembre 2003, sur le site : http://www.cdm.or.id/en/news/?nid=10