Indonésie: l'industrie papetière accusée de violations des droits humains

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La police et les forces de sécurité de l'industrie indonésiennes sont responsables de violations réitérées des droits humains dans les communautés indigènes concernées par l'industrie de la pâte et du papier à Sumatra, a affirmé Human Rights Watch dans un nouveau rapport publié le 7 janvier 2003. Ces violations incluent l'appropriation de terres sans compensation et des attaques brutales contre des manifestants locaux.

"Sans solution: les violations des droits humains et l'industrie de la pâte et du papier en Indonésie", tel est le titre d'un rapport de 90 pages (rédigé en anglais) où sont abondamment documentés les liens sous-jacents entre le mépris des droits humains et les pratiques destructives en matière de gestion des forêts.

L'industrie de la cellulose et du papier s'est rapidement étendue en Indonésie depuis la fin des années 1980, au point que ce pays est devenu l'un des dix producteurs les plus importants du monde. Mais elle a accumulé des dettes de plus de 20 milliards de dollars, et la demande croissante consomme de vastes étendues de forêts tropicales dans les terres basses de Sumatra. Ces territoires sont réclamés par les communautés indigènes qui en dépendent pour la culture du riz et l'extraction du caoutchouc. La perte de l'accès à la forêt, jointe au fait que les sociétés embauchent des travailleurs à l'extérieur de la province, a eu des effets dévastateurs sur leurs moyens de vie et provoqué des conflits violents.

Asia Pulp & Paper (APP) est le premier producteur de papier en Indonésie, et le propriétaire d'Indah Kiat, l'une des usines à pâte les plus grandes du monde, à Riau, Sumatra. Le fournisseur principal de fibre pour l'usine, Arara Abadi, a établi sa plantation d'arbres à pulpe dans les années 1980-90, durant la présidence de Suharto. Arara Abadi, avec l'appui des forces de sécurité de l'Etat, s'est constamment approprié les terres des communautés indigènes pour ses plantations, sans suivre les démarches nécessaires et en payant très peu, ou pas du tout, de compensations.

Depuis la chute de Suharto en mai 1998, les habitants des lieux ont essayé de faire entendre leurs réclamations, mais se sont vus confrontés à l'inertie à l'égard du respect des lois. Ne trouvant pas de solutions à l'injustice, les communautés se sont tournées vers la création de leurs propres organisations de surveillance. Arara Abadi y a répondu par la violence et les arrestations.

Dans son nouveau rapport, Human Rights Watch présente dans le détail trois cas survenus en 2001, où les habitants de Mandiangin, Betung et Angkasa/Belam Merah, frustrés par les différends non réglés avec Arara Abadi, ont bloqué des routes ou commencé à couper les arbres de la plantation. Ils ont été attaqués par des centaines de gardes de l'entreprise armés de gourdins, qui ont blessé neuf d'entre eux et arrêté soixante-trois autres. La police indonésienne, qui a entraîné les milices civiles et qui était présente au moment des attaques, en a été la complice dans les trois cas. L'année dernière, de nouvelles violences ont été rapportées à Riau, exercées contre des paysans qui refusaient de livrer leurs terres aux fournisseurs d'APP.

Sur les centaines d'assaillants impliqués, Human Rights Watch ne connaît que deux cas de personnes jugées et déclarées coupables d'agression suivie de violences, et les deux ont été libérées au bout de trente jours de prison. Human Rights Watch n'approuve pas les actions illégales entreprises par les manifestants locaux, et reconnaît le besoin de la compagnie de protéger son personnel et sa propriété. Mais l'usage abusif de la force de la part des milices patronales et l'impunité des responsables des matraquages engendrent à leur tour la violence. Human Rights Watch prévient que d'autres abus risquent de se produire, étant donné les conditions actuelles d'impunité, les pressions financières et l'absence de normes de sécurité internes dans les entreprises.

La plupart des dépenses de la police et de l'armée (70 pour cent) sont hors-budget et dépendent de l'apport d'entreprises, dont beaucoup appartiennent au secteur forestier. Il y a donc conflit entre les intérêts économiques et l'application de la loi. D'autre part, le personnel de sécurité d'Arara Abadi n'est soumis à aucune norme sur l'usage de la force, et n'est pas tenu pour responsable des violations des droits de la population locale.

Extraits du communiqué de presse "Indonesia: Paper Industry Threatens Human Rights", envoyés par Liz Weiss, adresse électronique: weisse@hrw.org . Le texte intégral du communiqué peut être consulté dans http://www.hrw.org/press/2003/01/indo010703.htm . Le rapport complet est dans http://www.hrw.org/reports/2003/indon0103/