Rencontre mésoaméricaine de communautés contre le palmier à huile

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En Mésoamérique, l’expansion de la monoculture du palmier à huile constitue une des principales causes de la déforestation. Des représentantes de communautés autochtones et paysannes se sont réunies pour partager leurs expériences, analyser et débattre sur les conséquences de cette monoculture dans les communautés et territoires et pour tisser des liens de solidarité entre leurs résistances.

Les plantations de palmier à huile avancent en Mésoamérique (une région qui s’étend du sud du Mexique au Panama) alors que l’agro-industrie dispute les territoires des communautés autochtones, paysannes et d’ascendance africaine. Il en résulte la spoliation et la violence contre ces communautés, la perte de la souveraineté alimentaire, la contamination et la pauvreté. Bien que la résistance populaire ait réussi à stopper l’expansion du palmier à huile dans certaines régions, celle-ci continue de menacer la vie des peuples et des communautés.

Dans le processus d’expansion du palmier à huile, appuyé par les gouvernements locaux et nationaux, les entreprises ont multiplié les promesses (1) qui ne sont jamais réalisées et que les communautés organisées ont vertement dénoncées (2). En réponse, les entreprises ont créé des stratégies de marketing pour cacher leur destruction dans les territoires et présenter une image verte à ceux et celles qui consomment l’huile de palme.

C’est ainsi que sont apparus des « contrats » ou des accords avec des petits producteurs, des politiques de « responsabilité sociale d’entreprise » et la promotion de « sceaux verts » et de « certificats, » comme ceux qu’approuvent la RSPO (Table ronde sur l’huile de palme durable), bref, de nouvelles stratégies pour cacher les effets de toujours.

D’un autre côté, on a observé que les changements climatiques constituent une nouvelle occasion d’expansion. L’utilisation de l’huile de palme industrielle, d’abord destinée à l’industrie des cosmétiques et à la préparation d’aliments ultras transformés, a par la suite été moussée également comme agrocombustible, matière première dans la production d’énergie et les plantations de palmiers à huile ont été présentés comme puits de carbone et solution de reforestation. Tout cela est reflété dans l’augmentation des superficies de monoculture de palmier, alors que les causes véritables des changements climatiques, comme l’utilisation des combustibles fossiles, ne sont pas abordées.

Voilà la réalité que vivent de nombreux peuples et communautés en Mésoamérique. Le Honduras compte plus de 190 000 hectares semés de palmier à huile distribués dans les départements de Cortés, Yoro, Atlántida et Colón. Au Guatemala, les 171 000 hectares de palmier à huile se trouvent principalement dans les zones du Petén, d’Ixcán, d’Escuintla et de Huehuetenango. Les plus de 90 000 hectares au Mexique sont principalement dans les États du Chiapas, de Tabasco et de Campeche.

Le détournement, la contamination et la réduction des sources d’eau, la reproduction d’animaux qui mettent en péril la santé des personnes, comme les serpents venimeux, la déforestation et la destruction des espaces de vie et même la militarisation des territoires avec la forte présence de groupes paramilitaires sous le couvert de la sécurité privée ou la présence de narcotrafiquants font partie de la violence et de l’imposition constantes que subissent les communautés lorsque s’installe le palmier à huile dans leurs territoires. Tout cela, et surtout là où les communautés organisées résistent à cette invasion, a généré une violence et une intimidation systématiques contre les défenseurs de la vie qui doivent confronter la criminalisation, les disparitions et les assassinats.

C’est pourquoi des communautés et des organisations du Honduras, du Guatemala et du Mexique se sont réunies en octobre 2021 à San Cristóbal de las Casas, Mexique, pour partager leurs expériences sur la progression et les conséquences de la monoculture industrielle du palmier à huile. Elles ont aussi cherché à établir un diagnostic de la région et à définir des stratégies communes qui les aideraient à combattre ces monocultures.

La rencontre a fondé le Réseau mésoaméricain contre le palmier à huile, dont la Déclaration ci-dessous résume en partie les dénonciations et les réflexions partagées durant la rencontre :

Déclaration du Réseau mésoaméricain contre le palmier à huile

« À San Cristóbal de las Casas, Chiapas, Mexique, du 4 au 7 octobre 2021, diverses organisations, réseaux, membres et représentants de collectifs du Honduras, du Guatemala, du Mexique, de l’Uruguay et de l’Équateur se sont réunis afin de partager leurs expériences avec les plantations de palmier à huile, d’analyser et d’étudier cette monoculture dans nos territoires et de débattre de ses conséquences.

Le palmier à huile est arrivé dans nos territoires selon un modèle extractiviste accéléré, agressif et prédateur. La monoculture du palmier à huile cause la disparition des sources d’eau, détourne les rivières et détruit les sites sacrés des peuples originaires liés à l’eau. Elle perturbe les visions du monde des peuples originaires, viole les droits du travail et génère l’esclavage. Elle détruit le tissu social. Elle est basée sur l’appropriation des territoires par les entreprises à l’aide de la violence, la tromperie, les mensonges et les fausses promesses, la criminalisation de la contestation sociale, le tout avec la complicité du pouvoir politique.

Les plantations de palmier à huile causent la rupture de la souveraineté alimentaire des peuples, épuisent les sols, accélèrent la déforestation, génèrent la pauvreté et la dépendance, causent des sécheresses et des incendies, détruisent le paysage, génèrent de sérieux problèmes de santé au sein la population, la spoliation et les déplacements, accélèrent les changements climatiques et sont accompagnées de violence, de militarisation et de criminalisation des peuples qui revendiquent leurs droits fondamentaux. Ce modèle touche tout particulièrement les femmes en leur imposant la violence physique et sexuelle.

Pour toutes ces raisons, nos mouvements et nos organisations veulent stopper ce modèle extractiviste, générer des alternatives locales et dévoiler le faux discours qui prétend que les plantations de palmier à huile sont durables, qu’elles génèrent le développement, qu’elles reboisent et combattent les changements climatiques. Et nous voulons développer la conscience que les monocultures de palmier ne sont pas des forêts, mais bien des mégaprojets de mort qui détruisent la planète.

— Nous dénonçons la contamination et la perte de sources d’eau, notamment les dommages à la rivière Tulijá au Mexique.

— Nous exigeons la justice pour les communautés de la rivière Guapinol et les assassinats commis dans le Bajo Aguán au Honduras.

— Nous dénonçons la contamination de la rivière La Pasión par la société [palmicole] REPSA au Guatemala.

— Nous rejetons la persécution de la contestation sociale et des communautés de défenseurs des droits que le modèle de l’agro-industrie du palmier a assassinés, persécutés, criminalisés et judiciarisés et nous nous solidarisons avec les défenseurs de la commune Barranquilla de San Javier que la compagnie Energy & Palma/La Fabril a judiciarisés en Équateur.

Les plantations ne sont pas des forêts !
Pour des territoires libres de monocultures du palmier à huile. »

Un cri pour la vie

Nous ne pouvons omettre de souligner que là où s’établissent les monocultures industrielles de palmier à huile, la vie des femmes est touchée, que ce soit en tant que travailleuses dans les plantations ou résidentes des communautés voisines. Une des participantes à la récente réunion au Chiapas, originaire du Honduras, a écrit un poème qui reflète les sentiments et les expériences que les femmes ont partagés à cette rencontre :

« Ils t’ont offert un faux avenir, une économie qui n’existe pas ; ils t’ont leurrée avec la promesse d’une vie meilleure ; ils t’ont fait croire que c’était mauvais d’avoir une forêt pleine de vie et d’oxygène ; ils t’ont vendu un conte qui n’existe que dans leur esprit malveillant. Tu ne t’en es pas rendu compte et tu leur as tout donné en échange d’un avenir qui n’existe pas. Ils t’ont menti et t’ont détruite petit à petit.

Le temps a passé et aujourd’hui, ceux et celles qui ont grandi dans ton erreur, nous nous sommes rendu compte de ce que tu as fait, de cet avenir qu’ils t’ont vendu que je n’ai pas vu et qui n’existe pas. Je te le reproche, mais je ne t’accuse pas. C’est pourquoi je te dis que moi, nous, nous toutes, nous allons lutter pour détruire ce système tout comme ils ont fait avec toi. Nous allons récupérer ce qui nous appartient.

Ces forêts qu’ils nous ont enlevées redeviendront nos forêts. Nous pourrons à nouveau voir ces cultures qui nous remplissent de vie, nous verrons à nouveau ces femmes pleines de courage et de force, qui donnent vie à nos communautés, le beau sourire des garçons et des filles qui ne sont pas les esclaves de qui que ce soit, qui sont libres.

En disant NON au palmier à huile, NON à la violence, NON à la suppression de nos vies. Ils nous tuent non seulement à l’aide de balles, mais aussi en nous enlevant nos terres et nos territoires.

Parce que ce n’est pas de la reforestation, mais bien de la déforestation,
Parce que ce n’est pas du travail, c’est de l’esclavage
Cela n’est pas la vie, c’est la mort.

Aujourd’hui, nous élevons nos voix unies et émancipées, et nous crions C’EST ASSEZ ! »

(par Flor Contreras Ulloa—voir la vidéo ici) (3)

Dans différents points de Mésoamérique et de l’ensemble de l’Amérique latine, la résistance croît, les communautés organisées se coordonnent pour que ce cri soit entendu partout sur la planète et qu’il parvienne aux communautés en Afrique et en Asie qui sont aussi touchées par cette monoculture. Mais en plus, nous voulons que ce cri soit entendu par ceux et celles qui consomment l’huile de palme industrielle, qu’ils comprennent que ce modèle destructeur de plantations industrielles ne sera jamais durable ni vert.

(1) « 13 réponses à 13 mensonges sur les plantations industrielles de palmier à huile »
(2) Plantations de palmier à huile (information et récits sur les effets et les résistances)
(3) Un grito por la vida (Un cri pour la vie)