Cambodge : rapport sur la corruption institutionnalisée et l'abattage illégal

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La corruption a été identifiée comme le principal obstacle à une véritable modification du secteur forestier du Cambodge. Or, non seulement le gouvernement, mais aussi les donateurs internationaux, ont refusé de regarder ce problème en face. Les coûts de la mauvaise gouvernance du secteur forestier, que provoquent la perte de revenus, la destruction des moyens de vie ruraux et les dommages à l'environnement, augmentent sans cesse, de sorte que le Cambodge reste absolument dépendant de l'aide extérieure.

Global Witness a mis en lumière la portée de cette corruption et mené une recherche exhaustive, en 2004, sur la coupe illégale dans le Sanctuaire de Faune de l'Aural, situé dans le Sud-Ouest du Cambodge. Le rapport qui en a découlé – Taking a Cut - Institutionalised Corruption and Illegal Logging in Cambodia's Aural Wildlife Sanctuary – révèle en détail où a lieu l'abattage illégal, quelles sont les entreprises forestières concernées, comment elles opèrent et qui elles achètent, dévoilant la corruption institutionnalisée qui domine dans le pays et l'incapacité évidente du gouvernement à s'y attaquer.

D'après les conclusions de l'enquête, dans la région de l'Aural toutes les institutions publiques responsables de la protection de la forêt sont corrompues, et certaines d'entre elles, en particulier les Forces armées royales du Cambodge, constituent la base de l'industrie locale du bois. L'absence d'autorité de la loi est la conséquence du culte de l'impunité, profondément enraciné, joint à l'idée que le rang officiel est un permis d'extorsion.

Non seulement la diversité biologique, mais tous les services environnementaux rendus par les forêts de l'Aural sont en péril, en particulier leur rôle de régulation des bassins hydrologiques. L'expérience recueillie à d'autres endroits indique que la déforestation des pentes du mont Aural va accélérer l'érosion du sol et les inondations subites, ce qui portera atteinte aux moyens de vie des habitants des régions environnantes.

Ces atteintes ne concernent pas que l'environnement, elles touchent aussi la société. Les gens des lieux sont obligés de vivre dans une société dominée par le crime organisé, où la loi ne leur est d'aucun secours. Dans ces circonstances, la minorité autochtone des Souy est l'une des plus vulnérables, car l'affluence d'étrangers venus travailler dans l'industrie du bois menace leur économie et leur culture.

Les donateurs évoquent systématiquement le manque de volonté politique comme le principal obstacle au combat de la corruption dans le pays. Pourtant, le cas de l'Aural montre que les hauts fonctionnaires et les généraux sont coupables de bien plus que de traîner les pieds. La corruption dans le secteur forestier est intrinsèque au système de patronage qui sous-tend le pouvoir de l'élite politique cambodgienne. Beaucoup, la majorité peut-être des fonctionnaires et des militaires impliqués dans les délits forestiers, ne font que suivre la chaîne de commandement qui émane de Phnom Penh. La situation n'est pas anarchique, et les auteurs ne sont pas des voyous.

C'est aux donateurs internationaux du Cambodge que cela incombe : du fait qu'ils ne cessent de financer le pays, ils ont une influence considérable. La communauté des donateurs est tout à fait consciente qu'il faut foncer contre la corruption pour pouvoir avancer vers l'établissement d'une gestion durable des forêts. Pourtant, la plupart d'entre eux semblent débourser de l'argent pour du plaisir, au lieu de faire en sorte que les ressources naturelles du Cambodge soient gérées pour le bénéfice de tous les Cambodgiens, et non pour une minorité corrompue.

Malgré les nombreuses opportunités qui existent de mettre en place les conditions nécessaires à une gestion sensée des ressources naturelles, le Cambodge est aujourd'hui l'un des meilleurs exemples de ce qu'il ne faut pas faire dans un pays à l'issue d'un conflit.

Les donateurs internationaux ont la responsabilité, vis-à-vis de la population du Cambodge mais aussi des contribuables de leurs propres pays, de s'assurer que l'aide est bien dépensée et qu'elle a des effets bénéfiques de longue durée.

Article fondé sur des extraits édités de : Taking a Cut - Institutionalised Corruption and Illegal Logging in Cambodia's Aural Wildlife Sanctuary: a Case Study, Global Witness, novembre 2004, http://www.globalwitness.org/reports/show.php/en.00066.html .