Brésil : Plantar contre-attaque après avoir reçu le prix du pire projet de puits de carbone

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L’entreprise forestière Plantar, basée à l’État de Minas Gerais, possède de grandes plantations d’eucalyptus dans la zone, établies au prix de l’expulsion des populations locales, et aux dépens de la forêt typique de la région, le ‘cerrado’, dont les arbres ont été transformés en charbon pour alimenter l’industrie sidérurgique, puis remplacés par des eucalyptus plantés dans le même but. Les impacts négatifs de cette entreprise sur l’environnement, la société, l’économie et la culture de la région ont été amplement documentés dans une étude récemment publiée par le WRM (« Certifying the uncertifiable : FSC certification of tree plantations in Thailand and Brazil »), où il est fait état de l’appropriation de terres, l’expulsion de leurs habitants, la pollution et l’épuisement de l’eau et des sols, la déforestation, la destruction de la biodiversité, la suppression d’emplois, les mauvaises conditions de travail, la perte de moyens de subsistance et les risques pour la santé, entre autres.

En dépit de tout cela, la Banque mondiale avait décidé d’approuver les plantations de Plantar comme puits de carbone. C’était là le premier projet de ce genre dans le portefeuille du Fonds prototype pour le carbone (FPC), et il a été par la suite validé par la société-conseil SCS, censément sur la base des normes du FSC (Forest Stewardship Council).

Tout allait bien pour l’entreprise et la Banque mondiale, jusqu’au moment où la Coalition mondiale pour les forêts a décerné à Plantar le prix TREEtanic 2003, le 9 décembre dernier à Milan, dans le cadre de la 9e Conférence des Parties de la Convention sur le changement climatique. Ce prix est attribué chaque année au projet de puits de carbone le plus mauvais de tous. Une telle décision a été justifiée en disant que « malgré les mérites respectifs de la Banque mondiale, du Fonds prototype pour le carbone et du gouvernement de l’État de Minas Gerais, la Coalition mondiale pour les forêts est persuadée que les antécédents passés et actuels de Plantar en matière de destruction sociale et environnementale sont suffisamment importants pour que cette entreprise soit déclarée lauréate incontestée du prix Treetanic 2003 ».

Mais la compagnie n’en a pas été flattée. Bien au contraire. Le lendemain, ses directeurs Marcos de Deus et Marcos Vinicius ont convoqué à une réunion les leaders du Syndicat des travailleurs ruraux (STR) de la municipalité de Curvelo à Minas Gerais. Là, la compagnie a exercé un maximum de pression pour les pousser à signer une lettre adressée à la Banque mondiale, dont le texte avait été préalablement rédigé. Les bureaucrates de Plantar ont menacé les dirigeants du STR de procéder à de nouveaux licenciements à Curvelo, au cas où les crédits carbone ne seraient pas obtenus. C’était là une preuve inéquivoque que, sans les stimulations de l’État, les labels verts et les crédits carbone, la compagnie ne serait pas économiquement viable. Comme dans une scène de roulette russe, les dirigeants présents ont été poussés, un par un, à signer la lettre en question. A côté de sa signature, Gracie dos Reis a noté « sous pression », et le directeur Marcos de Deus l’a menacée de poursuites judiciaires.

Dans la lettre à la Banque mondiale, le STR de Curvelo reconnaît (sous pression) que Geraldo Martins, avocat du syndicat, était présent à la COP-9 de Milan en représentation des organisations Rede Alerta contra o Deserto Verde, FASE et autres, mais non du STR local. De cette manière, on essaie de créer au niveau local un climat d’opposition contre Geraldo Martins, qui est dépeint comme opposé à la création d’emplois à Curvelo. On cherche également à semer la discorde entre les municipalités de Montes Claros et Curvelo, en déclarant que Geraldo Martins a critiqué à Milan les monocultures, tandis qu’Eliseu Oliveira, de Montes Claros, les a défendues. Tous les deux ont démenti cette déclaration dans un message qui dit :

« Nous étions officiellement accrédités comme délégués à la conférence, et nous nous sommes réunis hier avec des investisseurs du FPC [Fonds prototype du carbone de la Banque mondiale]. Nous avons parlé avec eux à propos des impacts sur l’environnement des plantations d’eucalyptus dans nos régions, du tarissement des sources et des fleuves, et de l’expulsion des communautés locales. Nous leur avons montré le nombre d’emplois créés par les plantations d’eucalyptus, que nous avons comparés au nombre d’emplois créés par d’autres cultures telles que la goyave, le café ou le maïs, ou par l’élevage et par la laiterie, en particulier dans les États d’Espirito Santo et Minas Gerais, et plus précisément dans les zones de Plantar et Aracruz.

Nous leur avons parlé de l’insécurité du travail et de la santé des travailleurs, et nous avons cité en exemple un accident récemment survenu à Curvelo, où 11 travailleurs sont morts et deux autres ont été mutilés. A cela s’ajoute le fait que les entreprises appliquent un système de rotation des travailleurs pour les empêcher d’accéder aux droits du travail, et qu’elles ont même licencié des travailleurs atteints de troubles de santé liés au travail. Nous leur avons demandé de ne pas inclure les plantations d’eucalyptus dans le Mécanisme de développement propre en tant que puits de carbone, car les plantations ne visent que la production de charbon de bois pour la sidérurgie et les usines de pâte, sans respecter la végétation indigène.

Pour planter des eucalyptus on arrache les arbres indigènes, et c’est comme si on déracinait notre culture, nos coutumes et nos coeurs. Nous avons présenté des projets alternatifs pour une véritable réforme agraire, qui crée davantage d’emplois, combatte la faim et la misère et consolide le Programme zéro faim, tout en respectant les arbres, les animaux, l’eau et la vie. Le réchauffement mondial a été provoqué par les pays industrialisés, et les pays du tiers monde ne doivent pas se voir obligés de nettoyer la contamination en plantant des arbres à tort et à travers. Nous avons terminé en disant que nous parlions de l’angoisse d’un peuple, et ils ont dit que c’était là le début d’un dialogue. »

Sommes-nous retournés à l’époque des dictatures militaires ? Plantar a-t-elle le droit de réprimer l’opinion des personnes qui ne sont pas d’accord avec le processus honteux de dégradation environnementale provoqué par les monocultures d’eucalyptus ? Tout ce qui précède ne fait que confirmer que Plantar a bien mérité le prix reçu. Et si elle continue sur la même voie, elle va sûrement en recevoir beaucoup d’autres.

Sources : vu la situation actuelle provoquée par l’entreprise, le WRM a décidé d’omettre les sources des informations utilisées pour la rédaction du présent article, estimant que leur divulgation pourrait représenter un danger pour ceux qui nous les ont adressées.