Mexique: il faut arrêter le déplacement forcé des communautés indigènes du Chiapas

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A son retour de la Réserve intégrale de biosphère de Montes Azules au Chiapas, Mexique, une délégation d'urgence parrainée par Global Exchange a préparé la déclaration suivante:

Nous dénonçons la réinstallation forcée imminente des communautés indigènes établies à Montes Azules. En outre, nous coïncidons avec la plupart des organisations non gouvernementales dans l'idée que ces déplacements ne sont qu'un prétexte et que l'objectif véritable est l'exploitation commerciale de la région, par la prospection pétrolière, la bioprospection, et la construction de barrages hydroélectriques.

Les communautés menacées de Montes Azules sont alliées à l'Association rurale d'intérêts collectifs (ARIC-Independiente) et à des communautés de base en appui de l'EZLN (Armée zapatiste de libération nationale). L'EZLN a participé à la résistance qui a commencé le 1er janvier 1994, à la prise d'effet du NAFTA.

Les 12 et 13 mars nous nous sommes réunis avec des représentants des communautés de Nuevo San Gregorio, Nueva Israel et Rancheria Corozal, qui font partie d'une région composée de six villages, alliée à ARIC-Independiente, et nous avons entendu leurs témoignages. Nous avons rencontré également des représentants de plusieurs organisations non-gouvernementales du Chiapas, au cours de notre visite d'une semaine.

Nous dénonçons les plans du gouvernement mexicain de déplacer de cette région les peuples indigènes, et les accusations que les peuples indigènes sont des destructeurs de la terre. Beaucoup d'entre eux ont subi des harcèlements graves de la part de plusieurs autorités gouvernementales incluant le Procureur environnemental fédéral (PROFEPA) et la Police préventive fédérale (PFP). Ces autorités allèguent que les colons indigènes menacent l'intégrité de la Réserve de biosphère reconnue par l'ONU.

En survolant la région nous avons pu vérifier que les éventuels dégâts écologiques provoqués par ces communautés sont infimes, surtout par rapport aux dégâts généralisés provoqués par les routes, les ranchs d'élevage, l'exploitation forestière, les bases militaires et d'autres utilisations commerciales du territoire.

Les indigènes ont le droit de rester dans leur pays et de cultiver leur terre comme ils l'entendent. Ils ont le droit moral de vivre de leur terre et de la travailler par des méthodes durables. En outre, leur présence est légitimée par la Convention 169 de l'Organisation internationale du travail, qui concerne les droits des peuples indigènes. Nous rejetons le point de vue de certaines ONG environnementalistes internationales (par exemple, Conservation International) qui ont appuyé le gouvernement mexicain lorsqu'il a accusé les communautés indigènes de détruire la forêt tropicale.

La crise actuelle au Chiapas est le résultat d'une longue histoire de conflits non résolus au Sud du Mexique et au Chiapas. Les parents et grands-parents de nombre des habitants actuels se sont installés à Montes Azules, sous les gouvernements précédents, pour échapper aux conditions de travail oppressantes et dégradantes des grandes propriétés terriennes du Sud du Mexique. Ils sont d'ascendance Tzotzil, Tseltal, Tojolobal et Chol, et représentent la diversité culturelle des peuples traditionnels Maya du Chiapas.

Les communautés que nous avons visitées participent dans une expérience importante qui vise à montrer une manière plus durable de vivre de la terre. Pendant huit années ou plus elles ont arrêté de pratiquer l'agriculture sur brûlis et d'utiliser des produits chimiques nuisibles. Elles cherchent à obtenir l'appui international pour continuer à développer de nouvelles méthodes de culture organique basées sur les modes traditionnels d'utilisation de la terre.

Nous avons rencontré des réfugiés d'une communauté, Arroyo San Pablo, qui ont été forcés de quitter la forêt humide en décembre dernier, et réinstallés dans un refuge géré par le gouvernement dans la ville de Comitan. Ils y languissent depuis trois mois dans des conditions lamentables, découragés par l'apparente incapacité du gouvernement à résoudre leur problème.

Nous rejetons l'idée que la réinstallation forcée des peuples indigènes ait quelque chose à voir avec la protection de l'écosystème en question, et nous croyons qu'il s'agit de frayer la voie au Plan Puebla Panama et la Zone de libre commerce des Amériques. Nous croyons à l'autodétermination des peuples indigènes, telle qu'elle a été définie dans les Accords de San Andrés de 1996, et que la protection de la biodiversité de Montes Azules doit être assurée par les peuples indigènes eux-mêmes.

La délégation d'urgence de Global Exchange a compté 12 représentants des Etats-Unis, du Canada, de l'Italie et du Mexique. Les organisations représentées étaient ACERCA (Action pour la communauté et l'écologie dans les régions d'Amérique Centrale), le Comité de justice sociale, le Comité d'action sociale, l'Institut d'écologie sociale et le Projet médiatique indépendant du Chiapas. La délégation était accompagnée par des journalistes indépendants des Etats-Unis.

Communiqué de presse de Global Exchange, 14 mars 2003, envoyé par Orin Langelle (ASEJ/ACERCA), adresse électronique: orin@asej.org.